poursuivis et molestés les avocats raccrochent leur robe

poursuivis et molestés les avocats raccrochent leur robe

Droits de l’homme. La décision prise le 21 novembre par les membres de conseil de l’ordre au barreau du Cameroun reste maintenue pour le 3à novembre. En 2019, les tribunaux avaient déjà été paralysés par un mouvement d’humeur des avocats.

Lors d’un Conseil extraordinaire tenu à Yaoundé le 21 novembre dernier, les membres du Conseil de l’Ordre ont lancé une grève de la robe, du 30 novembre au 4 décembre, pour protester contre les violences physiques, les arrestations judiciaires et autres abus qu’ils subissent. L’arrestation et l’emprisonnement de deux avocats, le 10 novembre à Douala, a fait déborder le vase. Me Richard Tamfu et Armel Tchuemegne Kemegne, exerçant dans la capitale économique, ont été arrêtés et placés en garde à vue  du 18 au 20 novembre à la Division régionale de la police judiciaire à Douala.  Ils ont été ensuite écroués à la prison centrale pour outrage à fonctionnaire, destruction de biens publics et rébellion en groupe. Les deux juristes ont été jugés le 23 novembre au cours  d’un procès marathon. Au terme de l’audience, ils ont été condamnés à six mois de prison avec sursis de trois  et une amende de 100.000Cfa chacun. Cette décision de justice a été rendue par le tribunal de première instance de Bonanjo. Les deux avocats étaient accusés d’avoir pris part aux manifestations brutales survenues le 10 novembre dans une salle d’audience du tribunal de première instance de Bonanjo.

 Me Augustin Wantou et Me Christelle Djonkou, deux autres ont été poursuivis pour corruption et outrage à magistrats. Ils ont été condamnés le 25 novembre par le tribunal de première instance de Bonanjo pour escroquerie. Par contre ont été déclarés non coupables des faits d’outrage à magistrats. Ils ont été condamnés à  un an de prison de prison avec sursis pendant cinq ans.

Une longue bataille

Cela fait plus d’un an que les relations entre les avocats,  les autorités judiciaires et les forces de maintien de l’ordre sont tendues. Le 31 août 2019, le Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau avait formulé plusieurs revendications auprès du ministre en charge de la Justice, du délégué général à la Sûreté nationale et du secrétaire d’Etat à la défense chargé de la gendarmerie nationale. Les signataires y affirmaient notamment que  « très souvent le libre accès des avocats à leurs clients dans les lieux de détention (Secrétariat d’Etat à la défense, Commissariats de police, brigades de gendarmerie), leur est refusé ». Ils dénonçaient en outre les interpellations abusives, l’accaparement des dossiers par certains chefs de juridictions, la recrudescence des violences physiques sur les avocats par les éléments de force de l’ordre. Et, dans le cadre des droits consacrés par les lois et les traités internationaux ratifiés par le Cameroun, le Barreau protestait contre l’audition et la conduite des débats dans des langues autres que celles des personnes poursuivies.

« L’article 30 du code de procédure pénal fait obligation à un officier de police judiciaire qui vient procéder à l’arrestation d’un individu de présenter le titre en vertu duquel il procède à cette arrestation », précise  Me Chantal Edzente Modo, avocate au barreau du Cameroun. La juriste ajoute que cette disposition du code pénal a été violée dans la procédure qui a conduit à l’arrestation de ses deux confrères interpellés le 18 novembre à Douala.

Un besoin de protection

Elle invoque encore les dispositions généralistes du code pénal concernant l’intégrité corporelle de ses clients (articles 278 à 281) parce que, explique-t-elle « Malheureusement au Cameroun, il n’existe pas de dispositions particulières qui protègent  l’avocat dans l’exercice de ses fonctions. Alors que les fonctionnaires et les magistrats peuvent, eux,  se prévaloir de délits de violence et d’outrage à leur égard. »

Me Pierre Fodjou, représentant de l’Ordre  au barreau des avocats pour la région du Centre, Sud et Est,  fait savoir que depuis le 21 novembre 2020 , le jour de l’annonce de la suspension du port de la robe, aucune réunion entre les responsables du ministère de la Justice et ceux de l’Ordre ne s’est tenue. « Notre préavis de grève reste donc maintenu », précise le représentant de l’Ordre.

 « La suspension du port de la robe est une façon pour les avocats de marquer leur désapprobation face à une situation qu’ils estiment inacceptable .Car il faut bien le rappeler, les avocats sont un maillon essentiel dans l’accès à la justice, ils sont des acteurs majeurs dans la protection des droits des individus. Concernant la situation actuelle, l’Etat doit s’organiser pour rendre systématiques les sanctions et autres poursuites à l’encontre des fonctionnaires, y compris les magistrats. Il en est de même pour le Barreau et le Conseil de l’ordre des avocats », affirme Cyrille Rolande Bechon, présidente de l’Ong  Nouveaux Droits de l’homme (NDH)

Un cadre de la Direction des Professions judiciaires au ministère de la Justice qui parle sous anonymat précise, lui, que depuis que l’annonce de ce un mouvement de grève le ministre de la Justice a réuni autour d’une table les avocats et les forces de maintien de l’ordre. Les discussions, qui portent sur les  récriminations formulées par le Conseil de l’Ordre des avocats, sont toujours en cours, affirme-t-il. D’ailleurs, lors d’une réunion, le 4 septembre, un dispositif a été mis en place pour prendre des mesures urgentes. Toujours selon notre source, un groupe de travail se concerte régulièrement avec les responsables du barreau pour trouver des solutions définitives aux problèmes soulevés. Mais cette même source prévient : « Les avocats qui sont des juristes devraient savoir que le fait de défendre les personnes à la barre ne les met pas au-dessus des lois de la République ».

Prince Nguimbous (JADE)