Le tribunal militaire prononce ses premières condamnations

Le tribunal militaire prononce ses premières condamnations

Marche pacifique 22 septembre 2020.

18 militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) ont écopé de peines allant d’un à deux ans de prison ferme à Bafoussam. Le parlement européen dénonce un simulacre de procès.

La décision du tribunal militaire est tombée le 15 novembre 2021 : les 18 militants du Mrc qui étaient alors poursuivis, ont été condamnés à un an d’emprisonnement pour certains et à deux ans pour d’autres. Ils ont été reconnus coupables de « tentative d’insurrection en coaction, de réunion et de manifestation non autorisée ». Les condamnés devront payer chacun une somme de 413 .000 Fcfa aux dépens solidaires. 16 autres accusés ont été reconnus non coupables de réunion et manifestation non autorisées.

Arrestations arbitraires

Me Meli, avocat au barreau du Cameroun, affirme que les 18 militants du Mrc condamnés sont les victimes d’arrestations arbitraires suivis d’actes de torture, intervenus le 22 septembre 2020 à Bafang et à Bandjoun dans la région de l’Ouest. Cette manifestation organisée par le Mrc avait pour objectif de dénoncer « la guerre civile » dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La décision du tribunal qui intervient trois mois après que le collectif d’avocats chargés d’assurer la défense des militants interpellés a décidé de déposer la robe pour dénoncer un certain nombre d’entorses dans les procédures judiciaires. Etant donné que la décision du collectif reste maintenue compte tenu que les violations des droits de l’homme qu’ils dénoncent sont toujours courantes dans les procédures, ce collectif n’a pas fait appel suite à la décision prise par le tribunal militaire de Bafoussam. 

Selon Hyppolite Meli, la décision de condamner les 18 militants du Mrc a été prise dans la nuit du 15 novembre en l’absence des prévenus en toute violation des droits de la défense. Le Collectif d’avocats ne cesse de dénoncer l’incompétence d’un tribunal militaire pour juger des civils. L’avocat précise que les militants du Mrc interpellés dans les villes de Baham et Bafoussam seront probablement fixés sur leur sort le 9 décembre 2021. Il s’agit des premières condamnations prises par le tribunal militaire concernant les manifestants du Mrc.

S’agissant des personnes déclarées non coupables, les avocats n’entendent pas saisir la Commission nationale d’indemnisation pour réparer le préjudice. Ils expliquent leur choix par le fait qu’ils n’ont plus confiance en la justice. Ils s’appuient sur le fait que leurs clients ont été torturés pendant leur interpellation et leur garde à vue. Face à ces multiples violations des droits de l’homme, les différentes procédures d’habeas corpus introduites devant les tribunaux de grande instance et les Cours d’appel ont été rejetées. 

Les avocats dénoncent encore la violation des délais de jugement et la violation du droit des personnes d’exprimer leur opinion conformément aux dispositions de l’article 19 alinéa 1 du Pacte international des droits civils et politiques qui stipule : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions ». L’article 14 du même traité international dispose que : « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, à être jugée sans retard excessif ».

Simulacre de procès

Sosthène Médard Lipot, cadre du Mrc, estime que les condamnations prises à l’encontre des militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun illustrent parfaitement que les institutions nationales notamment le pouvoir judiciaire ne sont pas au service des Camerounais mais plutôt au service d’un régime politique.

Le 25 novembre 2021 à Strasbourg en France, les députés du parlement européen ont dénoncé l’interpellation et le jugement des militants de l’opposition devant le tribunal militaire. : « Le parlement condamne les arrestations arbitraires d’opposants politiques et de manifestants pacifiques, de membres de la presse indépendante et d’autres civils, et déplore le recours à un tribunal militaire pour juger des civils, ce qui est en violation du droit international. Le parlement européen est préoccupé par de graves irrégularités de procédure notamment par la privation des accusés de leur droit de contester les preuves pour leur propre défense. Le parlement appelle les autorités camerounaises à cesser d’entraîner les gens dans un simulacre de procès devant un tribunal militaire, avec une issue prédéterminée, plafonnée à l’imposition de la peine de mort », mentionne la déclaration des députés européens. Dans le cadre des manifestations dites pacifiques organisées en 2020 par le Mrc, plus de 118 personnes sont encore détenues dans les prisons.

Prince Nguimbous (Jade)