Le Directeur de publication de «Climat social» inculpé par le tribunal militaire de Yaoundé

Le Directeur de publication de «Climat social» inculpé par le tribunal militaire de Yaoundé

Le journaliste Emmanuel Mbombog Mbog Matip est écroué à la prison centrale de Yaoundé depuis le 7 septembre 2020. Il est accusé de « propagation de fausse nouvelle par voie cybernétique »

L’ ordonnance de mise en détention provisoire du journaliste pour une durée de six mois à la prison centrale de Kondengui a été signée par un magistrat militaire. Le directeur de publication du journal « Climat social » a été inculpé de « propagation de fausse nouvelle par voie cybernétique ». C’est le ministère public qui s’est constitué dans cette affaire comme partie civile, selon les informations données par Me Emmanuel Simh, l’avocat du prévenu. Celui-ci affirme que les confrontations entre le prévenu et certains témoins se sont déroulées le 12 septembre dernier au tribunal militaire de Yaoundé.

Une lettre au président

Le 16 octobre 2020, le prévenu a envoyé une lettre ouverte au président de la République dans laquelle il revenait sur les circonstances de son interpellation. Dans cette correspondance, le Dp de «Climat social» affirme que le 17 aout 2020 à 10h du matin, il a été brutalement enlevé à son domicile du quartier Mimboman à Yaoundé par une équipe des hommes de la sécurité militaire. Selon le prévenu, ces hommes armés venus procéder à son arrestation n’avaient ni mandat d’arrêt ni de convocation. Mbombog Mbog Matip dit avoir été transporté dans les locaux de la sécurité militaire puis auditionné au service central de la recherche judiciaire au Secrétariat d’Etat à la défense, où il sera placé en garde à vue pendant trois semaines.  

Dans cette correspondance , il explique encore qu’il est propriétaire d’une entreprise de communication sociale, un journal dans lequel il dénonce «des pratiques antipatriotiques au Cameroun». «Mes ennuis judiciaires proviennent de ces dénonciations des complots contre la République», indique Mbombog Mbog Matip, amputé d’une jambe à la suite d’un accident, et président de la Ligue de défense des droits des personnes défavorisées.

Des violations aux droits de l’inculpé

Son avocat, Me Emmanuel Simh, relève quelques violations des droits de l’homme dont le prévenu a été victime. Par exemple le fait d’interpeller un homme sans une plainte ou sans mandat d’amener signé par un procureur viole les dispositions des articles 30 et 31 du code de procédure pénal.

Par ailleurs, n’étant pas impliqué dans une affaire de crime, le Dp du journal «Climat social» pouvait comparaitre libre selon les dispositions du code de procédure pénale qui stipule à l’article 218 alinéa 2 : « Un inculpé justifiant d’un domicile connu ne peut faire l’objet d’une détention provisoire qu’en cas de crime». Or la propagation de fausse nouvelle est un délit. Pour l’avocat, inculper un civil devant le tribunal militaire  pour un « délit » et non un crime relève d’une violation des droits de l’accusé.

La défense s’appuie notamment sur l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé et ratifié par le Cameroun, portant droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable. Et dans son Observation générale N°32, le Comité des droits de l’homme de l’Onu relève que : « le jugement des civils par les tribunaux militaires ou d’exception peut soulever de graves problèmes s’agissant du caractère équitable, impartial et indépendant de la justice ». Ce qui conduit à s’interroger sur la compétence d’un tribunal militaire  dans l’instruction de cette affaire.

En tout cas, Maximilienne Ngo Mbe, la présidente du Réseau des défenseurs des droits de l’homme en Afrique (Rhedac) dénonce l’arrestation de ce journaliste et condamne les violations de ses droits dans le cadre de cette procédure. La présidente du Redhac regrette : «Notre demande d’audience formulée au président du tribunal militaire de Yaoundé pour en savoir davantage sur ce qui est reproché au prévenu est restée sans suite.»

Prince Nguimbous (JADE)