Université de Buéa. La famille de l’étudiant décédé  exige une enquête indépendante

Université de Buéa. La famille de l’étudiant décédé exige une enquête indépendante

Les proches de Linus Ngule accusent les militaires d’avoir torturé à mort leur fils.  Ils réclament le corps déposé à la morgue pour qu’une autopsie soit réalisée. Linus est une nouvelle victime de la crise anglophone.

Les parents de cet étudiant de l’université de Buéa, décédé dans les circonstances encore non élucidées depuis le 15 mars, n’entendent pas baisser les bras. Malgré la douleur et le choc qu’ils traversent, ils sont déterminés à ce que lumière soit faite sur les circonstances réelles de la mort de leur fils. La victime a été  enlevée  par des éléments de la représentation de la Sécurité militaire  (Sémil), pour la région du Sud-Ouest et son corps a été déposé à la morgue de l’hôpital régional de Buéa le même jour, sans informer au préalable les membres de sa famille. L’étudiant a été interpellé,  le 15 mars sans aucun mandat d’arrêt, dans sa chambre en face de l’université.

Après avoir été conduit dans les locaux de la Sémil, Linus Ngule est décédé quelques heures après. Sa famille dit avoir été surprise d’apprendre son décès entre les mains des militaires.  « Nous avons d’abord appris qu’il est mort lors d’un échange de coup de feu entre les militaires et les séparatistes, puis on nous a fait comprendre par la suite qu’il est décédé des suites d’un choc émotionnel. Nous voulons savoir effectivement s’il a été torturé ou pas », explique Raymond Ngule, grand frère de la victime. La famille entend poursuivre les responsables de la Sécurité militaire au cas où leur responsabilité  serait établie à la suite de cette mort.

Selon l’avocat de la famille, l’étudiant était  soupçonné d’être parmi les personnes ayant posé des engins explosifs improvisés  lors de la course de l’Espoir qui s’est déroulée le 28 février 2023 dans la ville de Buéa. Au cours de cette course, les explosions des engins improvisés avaient fait plus de 17 blessés parmi les coureurs. Linus Ngule a été interpellé avec son co-chambrier, Jeres Mboh. Ce dernier est toujours détenu à la légion de gendarmerie du Sud-Ouest.  Le grand frère du disparu est  à Yaoundé depuis quelques jours pour rencontrer le ministre de la Défense afin de soumettre les attentes de la famille pour la manifestation de la vérité sur ce décès . Malheureusement, l’audience sollicitée auprès de Joseph Beti Assomo n’a pas trouvée une suite favorable. Face à cette attitude, la famille demande au président République d’intervenir dans cette affaire. Elle dit n’avoir pas accès à la dépouille du défunt, les autorités arguant de son intention de faire une autopsie.

Comme l’affaire du journaliste Wazizi

Raymond Ngule, le grand frère de la victime accompagné de plusieurs autres membres de sa famille et de leur avocat, a déclaré à la presse ce 6 avril à Yaoundé : « Nous voulons que le corps de mon petit frère déposé à la morgue de l’hôpital régional de Buéa nous soit restitué pour faire une autopsie et connaître les véritables causes de son décès. Nous voulons qu’une enquête indépendante soit mise en place. S’il est avéré que son décès a été causé par les forces de défense et de sécurité, ces éléments doivent être poursuivis par les tribunaux.  Mon petit frère a été enlevé dans sa chambre non loin de l’université  sans plainte ni mandat d’amener, il a été conduit dans les locaux de la  Sémil,  alors qu’il était en bonne santé.

Plus de huit heures de temps après, j’ai reçu un coup de fil m’informant que son corps a été déposé à la morgue. Nous sommes allés à la Sémil pour nous enquérir des circonstances de son décès, on nous a fait comprendre qu’il collaborait avec les séparatistes. Après on nous a fait comprendre qu’il est mort des suites d’un échange de coup de feu avec les forces de défense, puis on nous a dit ensuite qu’il est mort de choc émotionnel. Jusqu’à présent, la famille n’est pas en possession du corps. Ce sont les militaires qui ont payé une caution de 30.000Fcfa pour déposer le corps à la morgue.

Les enquêteurs nous ont dit qu’une autopsie doit être réalisée mais nous sommes prêts à financer nous-mêmes la réalisation de cette autopsie afin que la lumière soit faite. Ce qui nous perturbe est que jusqu’à présent aucune enquête n’est ouverte pour faire la lumière sur cette mort suspecte », déclare Raymond Ngule. Les proches de la victime dénoncent la violation de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est pour les motifs et conformément à la procédure prévus par la loi ».

Me Amungwa Tanyi, avocat de la famille, affirme que les proches de Linus Ngule craignent de vivre le même scénario que celui qu’ont vécu les membres de la famille  du journaliste Samuel Wazizi, mort également entre les mains des forces de défense et dont le corps n’a toujours pas été remis à la famille pour inhumation. « Nous voulons qu’une enquête indépendante soit mise sur pied pour connaître les circonstances de la mort de cet étudiant. Nous voulons en plus savoir comment un jeune étudiant qui vivait dans les locaux de l’université a été enlevé par les éléments de la Sémil alors qu’il est un civil. Pourquoi cet étudiant n’a pas été convoqué devant une brigade ou un commissariat pour répondre à des allégations de terrorisme», explique Me Amungwa.

Un responsable de la Sémil affirme qu’une enquête administrative et judiciaire est en cours dans le cadre de cette affaire. Notre source refuse de s’expliquer sur les circonstances du décès de l’étudiant. Depuis le déclenchement de la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest en 2016, plusieurs rapports publiés par des organisations de défense et protection des droits de l’homme dénoncent les cas d’atteinte à la vie des personnes soupçonnées être de collision avec les séparatistes.

Prince Nguimbous (Jade)