Un décès dans une cellule de Pouma. Les gendarmes obligent le médecin à établir un faux certificat

Un décès dans une cellule de Pouma. Les gendarmes obligent le médecin à établir un faux certificat

Emprisonné dans une cellule de la brigade de gendarmerie de Pouma, Tang Ndjock est décédé dans des conditions troubles au cours de la nuit du 20 au 21 juillet 2021. Au cours du procès ouvert le 24 février au Tribunal militaire de Douala, le médecin qui a établi le certificat de décès révèle qu’il a été contraint par les gendarmes de faire un faux.

Le médecin de l’hôpital de district de Pouma ayant établi le certificat de décès a fait des révélations.  Contrairement à ses déclarations lors de l’enquête préliminaire, il a reconnu que le jeune Tang Ndjock est décédé suite à des tortures lors de son arrestation et de sa mise en cellule par les éléments de la brigade de gendarmerie de Pouma, dans le département de la Sanaga-Maritime, région du Littoral au Cameroun. Le médecin a révélé que les causesde la mort du jeune Tang Ndjock ont été tronquées sous contrainte. En clair, il fait savoir que la dépouille de Tang Ndjock présentait des sévices corporels. Alors qu’initialement les gendarmes l’avaient amené sous la contrainte à établir faussement que le jeune homme gardé à vue était décédé d’une mort naturelle et non des suites de tortures.

 Les populations réclament justice

Tout serait parti d’un problème conjugal entre le jeune âgé de 25 ans et sa compagne. Cette dernière a saisi la brigade de gendarmerie de Pouma qui va convoquer le jeune-homme. Le dossier est confié au gendarme nommé Okala, qui met le compagnon  de la plaignante en cellule après l’avoir torturé. Tang Ndjock meurt. Le gendarme garde le corps sans alerter la famille. Quand celle-ci est informée du décès du jeune-homme, l’information se répand dans la ville comme une traînée de poudre et la brigade est  prise d’assaut par les populations qui réclament justice.

Les autorités administratives et municipales de la ville vont alors jouer la carte de l’apaisement. Mais dans cette nouvelle affaire de violences institutionnelles, il faut rappeler que promouvoir le respect des droits humains en milieu carcéral et sensibiliser les autorités judiciaires sur les exigences de la lutte contre l’impunité afin que prévale, au Cameroun, un véritable État de droit font partie des exigences du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Rdhac).  Car le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en son article 2 impose : «

1. Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.[…] 3. Les États parties au présent Pacte s’engagent à:

a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles;

b) Garantir que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’État, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel;

c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. » L’affaire a enfin été enrôlée le 6 septembre 2022.  Après plusieurs renvois pour non comparution des prévenus, il y a eu ouverture des débats le 07 février 2023. « Au regard des multiples renvois pour cause d’absence des prévenus [Ndlr : les gendarmes) poursuivis, l’affaire Tang Ndjock Juste Majoie constitue un cas de violation des droits de l’homme ». Similaire à celui survenu à Loum l’année dernière et avec quasiment les mêmes procédés de dissimulation des causes du décès.

La protection du médecin en cause

 Le médecin de l’Hôpital de District de Pouma qui a établi le certificat du genre de mort va révéler qu’il était quasiment sous la menace des quatre éléments de la gendarmerie nationale et de leur commandant qui l’ont obligé à indiquer que la victime Tang Ndjock Juste Majoie a été conduit à lui vivant et souffrant d’un antécédent de santé. Et que c’est pendant qu’il lui administrait le traitement à son mal qu’il est décédé. Dans cette rétractation, il va finalement avouer que la dépouille de Tang Ndjock qui a été transportée à l’hôpital. Confirmant la thèse que la famille du défunt soutient depuis le premier jour que leur enfant est mort pendant sa détention des suites de tortures.

Ce d’autant plus que le corps sans vie de leur enfant présentait des  sévices corporels.  Des observateurs, approchés par Journalistes en Afrique pour le  développement(Jade), soulignent que c’est avec retard et balbutiements que les magistrats militaires jugent cette affaire. Un doigt accusateur est pointé sur l’État du Cameroun qui ne semble pas prendre toutes les mesures pour garantir un procès juste et équitable à tous, surtout lorsque les mis en cause sont des hommes en tenue.

Du fait que les   dispositions protectrices des victimes peuvent entrer en conflit avec les garanties de l’accusé du droit à un procès équitable, il se pose la question de la protection du médecin, témoin clé dans le cadre de ce procès. Ntiecheu Mama, coordonnateur adjoint du Centre pour la promotion du droit (Ceprod), recommande  le respect de l’article 21 du Statut du TPIR ( Tribunal pénal international pour le Rwanda), intitulé « Protection des victimes et des témoins ».

Guy Modeste DZUDIE(Jade)