Torture des détenus dans les prisons. Devant la multiplication des cas les Ongs saisissent l’Onu

Torture des détenus dans les prisons. Devant la multiplication des cas les Ongs saisissent l’Onu

Le 28 décembre 2021, le détenu Stephane Soh, militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun a été tabassé et torturé à la prison centrale de Douala par un administrateur de cet établissement. Un acte de trop qui relance le débat sur ces  violences condamnées depuis de nombreuses années par les organisations non gouvernementales et associations de défense de droits de l’homme. L’Onu est interpellée. 

L’avocat, Me Fabien Kengne, est encore sous le choc après l’agression de son client Stéphane Soh, militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) le 28 décembre 2021 à la prison centrale de Douala. Il montre les photos de Stéphane Soh sur lesquelles on voit les blessures que son agresseur, l’un des administrateurs de la prison, lui a infligé. « Il a été copieusement molesté. Pourtant ils savent que la loi interdit à un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire de torturer un détenu. Maintenant ils le font aux yeux de tout le monde sans aucune crainte. Nous avons porté plainte contre cet administrateur de prison », explique l’avocat.

A la prison centrale de Douala, le régisseur Thierry Joël Pombouo Fopa a refusé de se prononcer sur le sujet. Me Fabien Kengne indique que le régisseur et l’intendant font pression sur le détenu pour qu’il « change de version des faits ». « Nous avons clairement identifié l’intendant de la prison comme l’auteur de l’agression. Mais depuis ces derniers jours, mon client est victime d’une pression énorme pour qu’il change d’avis, surtout au sujet de l’identité de ses agresseurs. Une situation qui n’est pas du tout facile pour nous à gérer », déplore l’avocat.

Saisir le conseil de sécurité des Nations Unies

Pour Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch, le conseil de sécurité des Nations Unies devrait mettre la situation du Cameroun à son ordre du jour. Cette instance internationale doit clairement condamner la torture des détenus et la détention au secret de nombreux prévenus, et appeler le gouvernement à mettre fin à ces pratiques.

Selon le rapport de cette ong, « au cours de l’année passée, les forces de sécurité au Cameroun ont recouru à la torture sans crainte de répercussions », a déclaré Lewis Mudge. Pour lui, le conseil de sécurité de l’Onu devrait envoyer un message clair pour demander la cessation de la torture en détention, surtout concernant tous ceux qui ont été arrêtés dans le contexte de la crise dans les régions anglophones.

« Human Rights a documenté 26 cas de détentions au secret et de disparitions forcées au centre de détention du Sed entre janvier 2018 et janvier 2019, et 14 cas de tortures dans les prisons sur les prévenus. Le nombre réel est probablement bien plus élevé parce que les abus sont commis dans le plus  grand secret, et de nombreux anciens détenus ne souhaitent pas parler de peur de représailles.

Human Rights a reçu d’autres récits dignes de foi depuis avril, indiquant que ces violations continuent. « La torture est endémique depuis longtemps dans le système militaire et d’application des lois au Cameroun. Les méthodes de tortures documentées par Human Rights Watch, y compris des passages à tabac sévères, des quasi-noyades et autres, ont aussi été utilisées  dans les établissements de détention officiels du pays. Les gendarmes et autres agents de sécurité dans les lieux de détention ont fait usage de torture et d’autres mauvais traitements pour contraindre les suspects à avouer des crimes ou pour les humilier et les punir », ont précisé les anciens détenus. 

Violation de la convention contre la torture

Allant dans le même sens, la fédération internationale des droits de l’homme (Fidh) et ses organisations affiliées au Cameroun et en France, respectivement la maison des droits de l’homme du Cameroun (Mdhc), et la ligue française des droits de l’homme (Ldh), condamnent fermement les actes de tortures perpétrés contre des détenus dans les prisons.

Ces ongs citent le cas des prévenus arrêtés lors de l’assassinat d’une française au quartier Bastos à Yaoundé. Des actes de torture ont été perpétrés contre ces derniers à la prison de Kondengui. Les ongs demandent le respect des droits de la défense et du droit à un procès juste et équitable.

FIGH, la MDHC et la LDH condamnent les actes de torture perpétrés contre les suspects et rappellent qu’il s’agit d’une violation de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ratifiée par le Cameroun en 1987. L’article 15 de cette convention indique que « tout Etat partie veille à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure ».

L’Etat se défend

Les régisseurs de prisons, les commandants de brigades de gendarmeries et le patron de la police affirment que l’Etat a fait pourtant de grands efforts ces dernières années, en sanctionnant les fonctionnaires reconnus coupables de torture sur les détenus et les prévenus. Cinq policiers ont été condamnés parce qu’ils ont été reconnus coupables d’actes de torture sur des gardés à vue. Il s’agit de l’officier de police André Arol, l’inspecteur de police David Keyo, le gardien de paix principal  Patrick Kolwé et les gardiens de paix Ngoh Marguerite  et Ndjea Fualem. Ils sont écroués à la prison centrale de Yaoundé.

Ils étaient poursuivis, pour avoir, d’après l’accusation, infligé des violences physiques de grande ampleur à un certain Tchoum, présumé voleur dans la nuit du 15 au 16 septembre 2021. Une vidéo dont l’auteur serait Williams Kamga, l’une des victimes supposées du vol au centre du procès, avait fait le tour du monde à travers les réseaux sociaux.

Le délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguele, avait publié un communiqué de presse condamnant les actes imputés à ses éléments. Le patron de la police avait alors indiqué que les mis en cause placés en garde vue devaient comparaître devant la justice pour répondre de leurs actes. Une action qui démontre clairement la volonté de l’Etat à combattre ces actes de barbarie.

Les ongs qui jugent les sanctions insuffisantes, rappellent que les actes de torture constituent une violation de l’article 31 des règles minima de détention de l’Onu qui stipule que « Les peines corporelles, la mise au cachot obscur ainsi que toute sanction cruelle, inhumaine ou dégradante doivent être complètement défendues comme sanctions disciplinaires ».

Hugo Tatchuam (Jade)