Réunion de concorde entre Bamouns et Tikars. Le gouverneur de l’Ouest ferme la porte à la presse privée

Réunion de concorde entre Bamouns et Tikars. Le gouverneur de l’Ouest ferme la porte à la presse privée

Seuls les médias aux ordres ont été autorisés par le gouverneur du Noun à assister à une réunion de concorde qu’il a organisée après  les brutalités exercées par les membres de la garde rapprochée du sultan roi des Bamouns, Nabil Njoya, sur Ngamon Soulé, le chef Tikar de la ville de Magba, le 10 février dernier.

« Concertation à Bafoussam : Le gouverneur appelle à la consolidation des liens de fraternité dans le Noun. » C’est le principal message délivré par le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, au cours de la réunion de concorde organisée après l’incident survenu à la chefferie de 3eme degré de Magba 2 pendant la visite de Sa Majesté Mouhammad-Nabil Mforifoum Mbombo Njoya, Sultan-Roi des Bamouns à ses populations. »Cet extrait de la Gazette du Noun, journal local basé à Foumban, livre, sans détails précis, ni aucune critique, l’actualité brûlante qui, née dans le département du Noun, il y a environ une dizaine de jours,  a pris place dans les principaux supports de communication digitale ou dans les salles de rédaction au Cameroun.

« Réconciliation décrétée »

Ce compte rendu du journal de Jonas Njayou laisse une soif inassouvie chez le lecteur qui aurait voulu en savoir plus sur les contours de cette concertation. Mais hélas, la Gazette du Noun, non accréditée à suivre les échanges dans les services du gouverneur de la région de l’Ouest, s’est limitéeà reproduire quelques miettes d’informations institutionnelles… Alors que  le fait que les membres de la garde rapprochée du sultan roi des Bamouns, Nabil Njoya, ont brutalisé Ngamon Soulé, le chef Tikar de la ville de Magba, le 10 février dernier, sort de l’ordinaire et mérite une bonne enquête ou compte rendu de journalistes sur « le pourquoi et le comment » de cette « réconciliation décrétée » par le gouverneur de la région de l’Ouest.  La Crtv, seul média accrédité, a produit sur la question, un papier qui sonne comme un communiqué de presse final orienté par le gouverneur de la région de l’Ouest, qui veut, selon une certaine opinion, aboutir à la paix sans vouloir examiner et évacuer progressivement les causes du conflit…

Le  17 février 2023, Awa Fonka Augustine, gouverneur de la région de l’Ouest, a convoqué, à Bafoussam, une réunion entre les différents protagonistes de cette crise pour les ramener à une coexistence pacifique. Seulement,  les journalistes de la presse privée exerçant dans la région de l’Ouest, ont été chassés des services du gouverneur. Toutes les démarches adressées à madame Kom, responsable de la communication dans lesdits services, se sont avérées vaines. Engagé à couvrir cette actualité, Vivien Tonfack, coordonnateur régional du groupe La Nouvelle Expression Équinoxe Télévision, est rentré bredouille. Les correspondants des autres médias privés à l’instar de Charlène Teussop de radio Batcham n’ont pas été autorisés à suivre cette manifestation.

Seuls les journalistes de l’office de diffusion des radios et télévisions publiques du Cameroun ( Crtv en anglais ( ndlr :Cameron radios televisions)) ont eu accès à la salle des travaux. Malgré leur insistance, les journalistes ont appris de la voix du chef du cabinet du gouverneur qu’il n’était pas opportun que la presse privée suive le contenu des échanges entre les différents protagonistes. Mme Kom, responsable de la communication des services du gouverneur de la région de l’Ouest, s’est elle aussi montrée hostile aux journalistes de la presse privée. Ce jeudi 23 février 2023, l’un des responsables rencontré par Journalistes en Afrique pour le développement (Jade), au niveau du secrétariat général des services du gouverneur, fait savoir que la diffusion d’une information liée à une activité du gouverneur de la région de l’Ouest relève d’ « une stratégie ».

 « Pour avoir accès aux informations liées aux activités du gouverneur, le journaliste ou l’homme des médias doit se rapprocher du chef de cabinet. C’est le plus proche collaborateur du gouverneur. C’est lui qui, en réalité, définit en concertation avec le maître des lieux, le ou les médias habilités à recevoir une information relative au travail du patron de la région de l’Ouest. Les médias sont accrédités pour une couverture en fonction des objectifs de notre schéma de communication ou des cibles que nous souhaitons toucher. Quand il s’agit de promouvoir  la paix sociale ou la cohésion, le ton adopté par certains organes de presse ne sert pas nos objectifs», explique notre source. 

« Le management de l’opacité »

Elle est d’autant plus constante dans cette démarche que, malgré différents plaidoyers et actions de l’opposition et de la société civile, il n’existe aucune loi au Cameroun qui régit l’accès à l’information au bénéfice des hommes des médias ou du public. Ce qui, de l’avis de certains observateurs, fait prévaloir, au sein de l’administration publique camerounaise, le «management de l’opacité.» Coordonnateur du regroupement des médias citoyens, Gustave Flaubert Nkengne observe que l’État du Cameroun ne semble pas prendre en considération que l’accès a l’information est un droit fondamental. Il milite pour  sensibiliser les autorités administratives de la région de l’Ouest afin qu’elles comprennent que le respect du droit d’accès à l’information pour tous favorise la transparence et la bonne gouvernance.  Il brandit l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. La Déclaration  de Principes  sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique apporte plus de détails sur la question.

Le point IV dudit document porte sur la liberté d’information et indique : « 

1. Les organes publics gardent l’information non pas pour eux, mais en tant que gardiens du bien public et toute personne a le droit d’accéder à cette information, sous réserve de règles définies et établies par la loi.

2. Le droit à l’information doit être garanti par la loi, conformément aux principes suivants: toute personne a le droit d’accéder à l’information détenue par les organes publics…. »

Guy Modeste DZUDIE(Jade)

Une histoire de primauté entre Bamouns et Tikars

Il reste difficile de comprendre les raisons du  comportement violent des membres de la  garde rapprochée du sultan roi des Bamouns.  Un débordement qui s’est soldé par l’humiliation publique du monarque Tikar devant ses fils et filles par les hommes du sultan en sa présence. Plus grave, ces derniers ont saccagé la chefferie du peuple hôte après avoir molesté son chef. « Depuis le déclenchement de cette situation mettant à mal la cohésion sociale, chaque communauté accuse l’autre. Les deux camps s’affrontent. Ceux qui défendent que les Bamouns sont des descendants des Tikars et donc qu’il n’y aurait pas eu crime ou insulte, et les autres qui estiment que,chef Tikar ou pas, ce dernier n’a pas le droit d’appeler le roi des Bamouns son fils.

Et chacun y va de son jugement personnel selon son bord…Qu’importe l’histoire entre Bamouns et Tikars, ce chef supérieur n’a pas le droit de l’appeler son fils devant les autorités qu’importe l’âge du Sultan Bamoun. Il devait respecter sa notoriété et son autorité… L’ancêtre vrai du Roi Bamoun est le Roi de Bankim, Sa Majesté NGAH Ibrahim II qui porte la véritable couronne Tikar dans la zone. Ses démembrements ne peuvent oser se substituer à lui. Il n’a aucune légitimité pour appeler le Roi des Bamouns “Mon fils”. Les autres chefs de villages Tikar de la zone (Mandah, Mamokimo, Mante etc) n’ont pas eu la même attitude audacieuse. », », lit-on sur https://chateaunews.com/fr. 

Un analyste politique justifie ainsi cette réaction sur https://chateaunews.com/fr : « Les autorités, y compris l’autorité suprême de ce pays, ont contribué à cultiver l’idée d’une monarchie dans le Noun et la monarchie s’installe progressivement sous les yeux complices des autorités en charge de la gestion de la puissance de l’Etat. », soutient-t-il. La situation s’est  répercutée dans la région de l’Adamaoua. La ville de Bankim a connu  des mouvements d’humeur de la communauté Tikar qui s’en est pris aux biens des Bamouns résidents.

GMD