Les misères d’une avocate qui se rendait chez Kamto

Les misères d’une avocate qui se rendait chez Kamto

Yaoundé. Mispa Awasum a été placée en détention provisoire hier à Kondengui. Elle a été interpellée alors qu’elle se rendait au domicile du président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), Maurice Kamto, assigné à résidence.

Mispa Awasum est avocate au barreau du Cameroun et présidente des femmes du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc). Elle a été placée en détention provisoire  hier à Kondengui pour une période de six mois. Elle a été inculpée de complicité de révolution, et rébellion faits réprimés par les articles 74, 97, 114 et 157 du code pénal. Hier matin elle a été déférée au tribunal militaire. Agée de 35 ans, elle est la plus jeune militante parmi les 23 femmes interpellées samedi 21 novembre 2020  à Yaoundé non loin du domicile de Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc).

Depuis son arrestation elle a été placée en garde à vue à la Division régionale de la police judiciaire pour le Centre.  Sa camarade Rosine Boyomo, également militante du Mrc, est gardée à vue au Commissariat central N° 1 de Yaoundé. Ces deux militantes du parti de l’opposition camerounaise et les 21 autres, libérées samedi soir, ont été auditionnées pour  manifestation illégale, atteinte à la pudeur, attroupement et rébellion. 

Rosine Boyomo pour sa part a été déférée ce lundi 23 novembre devant le procureur de la République du tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif. Interpellées le même jour et dans les mêmes circonstances, ces deux militantes sont déférées dans deux juridictions différentes. Ce 21 novembre, 23 militantes du Mrc ont décidé d’aller rendre visite à Maurice Kamto, le président du Mrc séquestré à son domicile depuis le 22 septembre 2020, pour avoir organisé une manifestation dite pacifique. L’objectif de la manifestation était d’exiger le départ du président Paul Biya du pouvoir. Ladite manifestation a été qualifiée d’insurrectionnelle par le gouvernement. « Lorsque nous sommes arrivés samedi 21 novembre devant le domicile du président de notre parti, les policiers nous ont demandé de nous asseoir à même le sol le temps d’accompagner quatre de nos camarades qui devaient rencontrer notre président. Nous avons été surprises de constater que la police est venue en renfort pour procéder à l’interpellation des femmes restées assises. C’est comme cela que nous avons commencé à scander « Libérez, libérez, libérez notre président et tous les prisonniers politiques incarcérés ». Nous nous sommes déshabillées pour dénoncer les abus des forces de l’ordre . Voilà dans quelles circonstances nous avons été interpellées », explique Emilienne, une militante libérée.

Les 23 militantes interpellées ont été conduites au commissariat central N°1 de Yaoundé et au Commissariat du 3ème  arrondissement à Nkoldongo.  

Procédures illégales

Huit d’entre elles, conduites au commissariat du 3ème arrondissement à Yaoundé, ont été auditionnées sans être assistées par un avocat. Une pratique qui va à l’encontre des dispositions de l’article 116 alinéa 3 du code de procédure pénale qui stipule : « l’officier de police judiciaire est tenu dès l’ouverture de l’enquête préliminaire et, à peine de nullité, d’informer le suspect de son droit de se faire assister par un conseil  et de son droit de garder silence.»

En plus de n’avoir pas été auditionnées en présence d’un avocat, les 23 militantes ont été interpellées sans savoir le lieu où elles devaient être auditionnées ni connaître l’objet de leur arrestation. Alors que l’article 31 du code de procédure pénale précise : « Sauf cas de crime ou délit flagrant, celui qui procède à une arrestation doit décliner son identité, informer la personne du motif de son arrestation et le cas échéant permettre à un tiers d’accompagner la personne arrêtée afin de s’assurer du lieu où elle est conduite ».

Pourquoi un tribunal militaire ?

Me Hyppolite Meli, coordonnateur du Collectif d’avocats chargés d’assurer la défense des militants du Mrc affirme que les charges retenues contre les femmes interpellées le 21 novembre sont hors contexte. L’avocat estime que ces arrestations sont abusives, arbitraires et illicites dans la mesure où elles étaient dirigées contre des femmes politiques qui exerçaient le droit de rendre visite à leur leader politique et qui malheureusement ne l’ont pas pu. Ces arrestations ont été conduites par les éléments du Commissariat du 6ème arrondissement à Etoudi. Un commissaire de police présent sur les lieux pendant l’interpellation affirme que ces femmes ont été arrêtées parce qu’elles ne possédaient pas une autorisation délivrée par la police. Notre source ajoute que leur visite à Maurice Kamto s’est transformée en  une manifestation publique non autorisée.

Le fait que Me Mispa Awasum soit inclupée devant un tribunal militaire relève également d’une violation du droit selon Me Hyppolite Meli. L’avocat affirme que l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé et ratifié par le Cameroun, portant droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable relève que : « le jugement des civils par les tribunaux militaires ou d’exception peut soulever de graves problèmes s’agissant du caractère équitable, impartial et indépendant de la justice ».

Prince Nguimbous (JADE)