Les détenus à la merci du choléra

Les détenus à la merci du choléra

Prison centrale de Kondengui. Au moins cinq décès suspects il y a quelques jours. Les mesures sanitaires ont été renforcées. Les détenus déplorent une absence d’eau potable au sein du pénitencier

Un dispositif sanitaire inhabituel  est visible devant  le Centre médical pénitentiaire, situé en face de la prison centrale de Kondengui ce 13 mai 2023.  Le spectre du l’épidémie du choléra plane au sein de la cette maison de détention reconnue depuis plusieurs années par sa surpopulation carcérale estimée à plus de 3500 détenus pour une capacité d’accueil de 750. Une ambulance militaire est stationnée devant ce bâtiment. A la veranda, trois personnels de santé  s’attèlent à arranger les centaines de cartes de vaccination des malades. Le médecin chef n’est pas dans son bureau « Il est dans la prison pour conduire les opérations de vaccination des détenus. C’est une mesure qui a été prise pour limiter la contamination du choléra puisque trois morts ont été enregistrés du 11 au 13 mai 2023.

D’autres sources internes ajoutent qu’au moins deux autres décès ont été enregistrés ces deux dernières semaines. Les personnes décédées présentaient les signes de vomissement et diarrhée. Nous sommes dans un contexte marqué par la recrudescence de l’épidémie du choléra dans la ville de Yaoundé », explique un responsable au Centre médical pénitentiaire. Rendu devant l’entrée principale de la prison pour s’enquérir de la situation, le personnel en poste nous informe d’aller nous renseigner au domicile du régisseur situé juste à 50 mètres. « La situation est sous contrôle.  Une fois devant le domicile du régisseur, les gardiens nous renvoient rencontrer le médecin chef du Centre pénitentiaire, par ailleurs délégué régional de l’Administration pénitentiaire pour la région du Centre.

« Le médecin chef est occupé par administrer les vaccins aux détenus », a-t-on appris. . Une délégation de l’Oms est également sur les lieux pour évaluer la situation.  Les mesures ont été prises notamment la vaccination des détenus et en plus il a été demandé aux prisonniers de rester dans leurs quartiers respectifs », informe un gardien de prison. Les informations recoupées font état de ce  qu’en dehors des trois décès enregistrés, plus de sept autres détenus ont été transférés à l’hôpital de Djoungolo. Samedi 13 mai 2023, en plus de la campagne de vaccination mise sur pied, une opération pour désinfecter toutes les cellules de la prison a été lancée par les autorités sanitaires.

Le délégué régionale de l’Administration pénitentiaire du Centre par ailleurs médecin chef du Centre médical pénitentiaire n’a pas voulu répondre à nos préoccupations sur les chiffres exacts ; « Je ne peux pas vous donner l’information sans un document du ministre d’Etat, ministre de la Justice Garde des Sceaux », a-t-il affirmé au téléphone.

Une affaire de promiscuité

Les sources sanitaires confirment que le choléra est à l’origine de décès enregistrés. Une situation liée aux mauvaises conditions de vie et hygiène à l’instar du manque d’eau potable, de la promiscuité liée à la surpopulation carcérale. Tout ceci en violation  du droit à la santé comme cela est prévu dans des règles minima pour le traitement des détenus, en son article 24 qui stipule : « Le médecin doit examiner chaque détenu aussitôt que possible après son admission et aussi souvent que cela est nécessaire ultérieurement, particulièrement en vue de déceler l’existence possible d’une maladie physique ou mentale, et de prendre toutes les mesures nécessaires; d’assurer la séparation des détenus suspects d’être atteints de maladies infectieuses ou contagieuses; de relever les déficiences physiques ou mentales qui pourraient être un obstacle au reclassement et de déterminer la capacité physique de travail de chaque détenu »

Ce n’est pas la première fois que l’épidémie du choléra soit enregistrée dans cette prison connue pour sa surpopulation carcérale où les détenus vivent dans la promiscuité et dans l’insalubrité. Depuis plusieurs semaines, les coupures intempestives de l’eau sont récurrentes à la prison une situation qui expose les détenus aux maladies.  L’on se souvient que la pandémie de Covid 19 a été signalée à la prison de Kondengui en 202I. L’Onu à travers la Haute commissaire des Nations-Unies aux droits de l’Homme avait exhorté les pays à réduire le nombre de personnes en détention pour éviter une menace due à la propagation de la pandémie dans les prisons. Cette demande de l’Onu n’a jamais trouvé une réponse favorable de la part des autorités camerounaises.

Ayah Ayah Abine est responsable d’une Ong qui soutient de temps en temps les détenues de Kondengui incarcérées à la prison centrale de Yaoundé. Il affirme que les pathologies récurrentes au sein de cette prison sont entre autres les problèmes respiratoires, les infections pulmonaires, et les maladies comme la diarrhée qui sont liées parfois aux mauvaises conditions de vie des détenus. L’année dernière, un militant d’un parti d’opposition incarcéré à la prison centrale de Douala était mort des suites de choléra.

Prince Nguimbous (Jade)