Les avocats assimilés à leurs clients. Me Amungwa Nicodemus sera poursuivi devant le tribunal militaire

Les avocats assimilés à leurs clients. Me Amungwa Nicodemus sera poursuivi devant le tribunal militaire

Me Amungwa Tanyi Nicodemus a été inculpé le 10 mars 2022 par le juge d’instruction militaire Eyebe  Etoudi Ignace de « sécession » dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre lui. Les avocats et l’ensemble du barreau contestent cette décision. Selon eux, le gouvernement a juste cherché un motif pour poursuivre Me Amungwa parce qu’il défend les personnes impliquées dans la crise anglophone, en violation des droits des avocats. 

 Le visage fermé, Me Amungwa Tanyi Nicodemus rencontré en cette matinée du lundi 20 Mars à Yaoundé, essaie de dissimuler, tant bien que mal,  la mauvaise mine qu’il affiche depuis l’annonce de son inculpation par le tribunal militaire de Yaoundé le 10 Mars dernier.

Ce jour là, tout est allé très vite. L’avocat a été inculpé par le juge d’instruction militaire  Eyebe  Etoudi Ignace dans le cadre d’une information judiciaire militaire ouverte pour des faits qualifiés de « Sécession » dans l’article 111 du code pénal. C’était en présence de madame le Bâtonnier Me Claire Atangana et trois autres confrères.

Ils ont trouvé cette décision « arbitraire », car leur confrère a été arrêté au cours d’un exercice professionnel, placé en garde à vue et déféré devant le commissaire du gouvernement du tribunal militaire de Yaoundé qui exerce une compétence nationale, tout simplement parce qu’il défend les clients ayant un lien avec la crise anglophone.

Pour eux, au Cameroun, les agents de répression ne font plus la différence entre l’avocat et son client, entre le conseil et la cause qu’il défend. Ce qui constitue une violation grave des droits des avocats.

Les éléments qui ont motivé son inculpation

Le 31 Mai 2021 au groupement territorial de la gendarmerie à Yaoundé, Me Amungwa Tanyi Nicodemus défendait son client dans une procédure de reprise d’un immeuble et de rébellion. Pendant l’enquête préliminaire, Me Amungwa a fait usage de son téléphone portable pour filmer. L’enquêteur s’en est aperçu et a récupéré  ce téléphone pour exploitation.

Selon les enquêteurs, l’appareil contenait des images de propagande « sécessionniste » . Après son interpellation, Me Amungwa a été conduit au service central des recherches judiciaires, puis déféré devant le commissaire du gouvernement du tribunal militaire de Yaoundé.

Le juge d’instruction au regard de tous ces éléments a donc trouvé normal que l’avocat soit inculpé.

Pour d’autres Magistrats, Tenant compte de tous ces éléments, le juge d’instruction, a trouvé normal d’inculper l’avocat. « C’est une décision prise en respect du code pénal. Elle ne saurait être considérée comme une décision motivée par des moyens de pression », a-t-il précisé.

Violation des droits Me Amungwa Tanyi Nicodemus

Les avocats parlent de « perquisition illégale » des téléphones de l’avocat,  et de « harcèlement judiciaire ». Me Hyppolite Mel,i avocat au barreau, affirme que le gouvernement a juste trouvé un « prétexte » pour envoyer Amungwa  en prison. « Il est devenu célèbre pour la défense des personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophone, notamment Ayuk Tabe Sissiki le président auto proclamé du gouvernement « ambazonien », ainsi que de nombreuses autres personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophone. C’est une figure connue et qui dérange. C’est pour cette raison que l’Etat veut se débarrasser de lui. »

A l’unanimité, le barreau condamne le fait « d’arracher le téléphone de l’avocat et de le fouiller ». Pour les avocats, la fouille du téléphone viole le droit de non immixtion dans la privée, l’article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Une loi qui précise même que  «Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

D’autres rappellent que l’inculpation de Me Amungwa viole l’article 18 des principes de bases relatifs au rôle du barreau adopté par les Nations Unies en 1990, qui rappelle que « les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leur fonction ». Pour les avocats il s’agit donc d’un procès arbitraire. Me Amungwa Tanyi Nicodemus attend d’être fixé sur les différentes dates de son procès dans les prochains jours. Les avocats quant à eux ne veulent pas baisser la garde. Ils affirment qu’ils iront par centaines au tribunal pour défendre leur confrère contre cette injustice. 

Hugo Tatchuam(Jade).