Entre meurtres et menaces de mort, les journalistes vivent dans la peur

Entre meurtres et menaces de mort, les journalistes vivent dans la peur

Liberté de la presse. Au moment où le pays vient de commémorer la journée consacrée aux travailleurs des médias, les journalistes camerounais exercent dans un contexte marqué par la psychose généralisée.

La pratique du métier de journaliste au Cameroun en cette année 2023 est confrontée à d’énormes difficultés. Entre assassinats, arrestations, détentions arbitraires, intimidations et séquestrations, les journalistes exercent leur profession dans un contexte de peur. Tout commence en début d’année avec la disparition du chroniqueur de la radio Amplitude Fm, Martinez Zogo, dont le corps a été retrouvé, le 22 janvier, dans un terrain vague de la localité de Soa, non loin de Yaoundé. Plus de quatre mois après cette disparition, les personnes suspectées d’être les présumés assassins de Martinez Zogo n’ont toujours pas été jugées. Ils sont en détention provisoire à  la prison principale de Yaoundé et le corps du journaliste est toujours à la morgue de l’hôpital central de Yaoundé. Jean Pierre Amougou Belinga, Pdg du groupe de médias l’Anecdote, figure parmi les suspects. Des responsables des services d’espionnage et contre-espionnage sont en détention.

Une semaine après la découverte de Martinez Zogo, un autre animateur radio, par ailleurs évangéliste, Jean Jacques Olabebe, a été retrouvé mort non loin de son domicile à Yaoundé.  L’animateur radio a été inhumé depuis le 28 avril 2023 dans son village natal. Les résultats de l’autopsie n’ont pas été rendus publics avant son inhumation. Après la découverte du corps de Jean Jacques Olabebe, son cercueil a été scellé à la demande du procureur de la République pour l’ouverture d’une enquête.

En dehors de ces deux  d’assassinats brutaux et barbares, plusieurs journalistes camerounais vivent dans la peur à cause des menaces de mort reçues par des inconnus. C’est le cas de Haman Mana, directeur de Publication du Quotidien le Jour qui continue de craindre pour sa vie. La preuve est que la dernière apparition en public du directeur de publication du quotidien le Jour remonte au 22 janvier devant les locaux de la chaîne d’Amplitude Fm. Le cyber journaliste Paul Chouta fait également l’objet de menaces de mort depuis plusieurs mois. Dans le cadre de la crise anglophone, plus de cinq journalistes sont encore en détention préventive.

Travailler dans la psychose

Le traitement réservé aux journalistes exerçant dans un Etat qui a ratifié les Conventions internationales en matière de respect des libertés viole l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule en son article 19 que : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

Au moment où le monde célèbre la journée mondiale de la liberté de la presse, la directrice de publication de l’hebdomadaire Repères était attendue à la Division régionale de la police judiciaire du Centre à Yaoundé. Régine Touna, Dp de Repères, a reçu la semaine dernière une convocation pour se présenter le 2 mai à la police. Elle n’était pas disponible pour se présenter ce 2 mai. Ses avocats sont allés expliquer qu’elle se présentera lorsqu’elle sera disponible. Jusqu’à présent,  la Dp de Repères ne sait pas ce qui lui est reproché. Cette situation que vivent les journalistes porte atteinte à la liberté d’expression, à la démocratie lorsqu’on sait que la liberté de la presse est la pierre angulaire des sociétés démocratiques.

Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, l’Unesco invite la communauté les autorités camerounaises à lutter contre l’impunité qui entoure encore les crimes dont les journalistes sont victimes avec plus de neuf assassinats sur 10 qui demeurent impunis selon la directrice générale de l’Unesco. Dans le dernier rapport publié par Reporters sans frontières, le Cameroun a régressé dans le classement des pays qui respectent la liberté d’expression, passant du 113ème  à la 139ème position. Dans une déclaration faite le 3 mai 2023, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi a affirmé que les crimes commis à l’encontre de certains journalistes ne vont pas rester impunis au Cameroun. Parlant du cas de Martinez Zogo, le ministre de la Communication est revenu sur l’enquête mixte prescrite par le chef de l’Etat, laquelle a abouti à l’interpellation des suspects. Dans la nuit de dimanche 7 mai 2023, un journaliste en service à l’hebdomadaire anglophone The Advocate a été assassiné à Bamenda.

Pour dénoncer la terreur exercée à l’encontre des défenseurs de la liberté d’expression, le Syndicat des journalistes du Cameroun (Snjc) a initié le concept des « mercredis noirs », depuis janvier 2023. Marion Obam, la présidente du Snjc, affirme que ce concept vise à amener les autorités publiques à faire la lumière sur les cas d’assassinats  des journalistes enregistrés ces derniers jours.

Prince Nguimbous (Jade)