Encore un journaliste lâchement assassiné

Encore un journaliste lâchement assassiné

Tué par balles à Bamenda. Anye Nde Nsoh, journaliste exerçant à Bamenda a été enterré le 13 mai dernier. Il avait été tué par balles le 7 mai dans la même ville. Ses présumés  assassins toujours recherchés.

Les adieux au journaliste, Anye Nde Nsoh, ont démarré le 13 mai 2023 avec la mise en bière qui s’est déroulée à l’hôpital régional de Bamenda, capitale de la région du Nord-Ouest Cameroun. Pour cette occasion, plusieurs confrères de la presse nationale et internationale se sont mobilisés pour rendre hommage au défenseur des droits de l’homme assassiné dans des circonstances troubles. Après la cérémonie, le journaliste qui se trouvait dans un cercueil en forme de micro a été inhumé le même jour.

Anye Nde Nsoh, chef de bureau du journal d’expression anglaise The Advocate, a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 mai 2023 à Bamenda. Un communiqué signé par le Syndicat des journalistes du Cameroun précise que ce professionnel des médias a été abattu dimanche aux environs de 21h. Il se trouvait dans un bar de la rue Che Ntarikon lorsqu’il a été criblé de balles par des hommes armés non identifiés : « Des tirs croisés n’ayant pas été signalés dans la zone à ce moment–là, il est évident que notre confrère était ciblé par des criminels », précise le communiqué du Snjc.

Le gouvernement du Cameroun a dénoncé la mort de ce journaliste. Dans un communiqué publié le 11 mai dernier, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, mentionne dans un communiqué : « Un groupe de terroristes séparatistes lourdement armé a ouvert le feu dans un débit de boisson et a atteint mortellement Anye Nde Nsoh ». Le ministre ajoute que l’assassinat du journaliste a été revendiqué par un certain Capo Daniel, leader sécessionniste vivant à l’étranger. « C’est un acte choquant et révoltant perpétré contre un journaliste innocent, au moment même où notre pays s’est joint au reste du monde pour célébrer le 3 mai dernier la journée internationale de la liberté de presse », a précisé le ministre de la Communication qui a également annoncé l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur ce décès barbare.

Ce journaliste travaillait également pour le compte de la radio Dreams Fm et Rush Sports News à Bamenda. Les organisations professionnelles exigent que la lumière soit faite sur cet assassinat qui cible un autre défenseur des droits de l’homme au Cameroun, surtout au lendemain de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse.

Pour ces organisations, les assassinats de journalistes violent les dispositions internationales ratifiées par le Cameroun  à l’instar de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule : «  Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. »

Une loi cadre pour la sécurité des journalistes 


L’assassinat du journaliste Anye Nde Nsoh intervient seulement quatre mois après celui de Martinez Zogo, chef de chaîne de la radio Amptude Fm, dont le corps sans vie a été retrouvé le 22 janvier 2023. Cet assassinat a eu lieu dans une région secouée depuis plus de cinq ans par une crise socio-politique. Depuis le déclenchement de cette crise, dite anglophone, plusieurs journalistes sont la cible des hommes armés étatiques et  des groupes armés non étatiques. Dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les journalistes sont régulièrement enlevés, interpellés, emprisonnés et parfois assassinés pour leurs opinions.

Avec ce climat de terreur sur la liberté d’expression, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et des droits des journalistes ne cessent de dénoncer les persécutions et les menaces que subissent les journalistes exerçant dans ces deux régions en crise.   Les associations de défense des droits de l’homme déplorent l’absence des mesures prises par l’Etat pour assurer la sécurité des journalistes vivant dans les zones en conflit. En plus, les procédures judiciaires engagées contre les auteurs des crimes sur les journalistes n’aboutissent presque pas.

Agbor Balla, responsable d’une Ong de défense des droits de l’homme, affirme que, dans le contexte de la crise, l’Etat devrait prendre mettre en place une loi cadre pour assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme comme les avocats, les acteurs de la société civile et les journalistes et en leur donnant les moyens pour exercer leur travail  en toute indépendance. Des mesures qui tardent toujours à être prises. Une source contactée dans les services du gouverneur explique que l’Etat est préoccupé par la sécurité de tous les citoyens dans le Nord-Ouest y compris celle des journalistes. Notre source ajoute que des mesures spécifiques peuvent être prises mais tout dépend des moyens dont disposera l’Etat. Depuis le débit de la crise anglophone en 2016, au moins quatre journalistes ont été tués dans des circonstances encore non élucidées. 
 
Un rapport sur la sécurité des journalistes dans le Nord-Ouest et Sud-ouest du Cameroun, de 2016 à 2021, avait  été présenté le 3 mai 2022 à Limbé par  Adisi, une organisation de la société civile. Ledit rapport relevait que plus de 20 journalistes ont été victimes de la crise socio-politique qui secoue ces deux régions depuis 2016. Les arrestations arbitraires, les enlèvements par les groupes armés, les interpellations et jugements arbitraires des journalistes par les tribunaux militaires sont autant d’atteintes graves subies par les journalistes.

Prince Nguimbous (Jade)