Droits humains, parent pauvre des médias locaux

Droits humains, parent pauvre des médias locaux

Couverture. Un sondage réalisé par l’association Jade Camerounrévèle un déficit d’intérêt pour des questions y relatives, même si de légers progrès ont été réalisés ces deux dernières années.

Les chiffres présentés à Douala le mardi 24 mai par l’Ong Journalistes en Afrique pour le développement (Jade) parlent d’eux-mêmes. Deux ans après le lancement du projet « Presse libre pour promouvoir les droits humains » (PLPDH), les sujets relatifs aux droits humains n’occupent toujours pas l’espace escompté dans les médias camerounais. En d’autres termes, ils constituent le parent pauvre des contenus médiatiques. C’est du moins l’observation qui se dégage des résultats d’un sondage réalisé du 1er mars au 30 avril 2022 auprès de 20 organes de presse, dont neuf journaux écrits, sept stations de radio et quatre chaînes de télévision. L’enquête a été conduite par Jade Cameroun avec le concours de ses partenaires que sont l’Association des Juristes pour les droits humains (JUDH) et Caractères sans frontières.  

L’enquête révèle qu’en deux ans, 2804 articles liés aux droits humains ont été publiés dans des journaux, soit un taux de couverture de 1% en évolution de 0,5% comparé à 2020. Le temps occupé par les informations de cette nature à la radio est de 144 minutes, l’espace total des journaux parlés est de 4110 heures, pour un taux de 3,5% contre 2,96% en 2020. Soit une évolution de 18,2%. A la télévision, 193 minutes ont été consacrées aux droits humains, en 2022, pour un total de 4683 minutes. Soit 4,13% en valeur relative contre 3,33% en 2020, pour un taux d’évolution de 24%. Selon Charles Nforgang, journaliste, ces résultats insuffisants tiennent au peu d’intérêt des propriétaires de médias, qui ne veulent pas investir dans la collecte d’informations. « C’est l’une des raisons qui peuvent expliquer pourquoi le niveau d’information diffusé par les journalistes est très faible. La collecte d’informations nécessite beaucoup d’argent. »  

Pourtant, le coordonnateur de Jade Cameroun et du projet PLPDH éprouve un motif de satisfaction mitigé : « On ne peut pas dire que les lignes ne bougent pas. Ça bouge lentement, mais ça bouge quand même, puisque le sondage que nous avons fait a montré qu’il y a quand même une évolution au niveau de la couverture des questions de droit de l’homme. Il y a deux ans, au niveau de la presse écrite on était juste à 0,5% d’espace consacré aux droits de l’homme. Aujourd’hui on est à 1%. A la télé on est aujourd’hui à 4% alors qu’on était à 3% il y a deux ans. Donc il y a quand même de légers progrès. Nous pensons que plus nous allons nous réunir comme ça pour réfléchir sur la question, plus les espaces vont davantage s’agrandir dans nos différents médias par rapport à la question des droits de l’homme », a déclaré Etienne Tasse, journaliste.     

Accès aux sources

Le projet PLPDH, arrivé en mi-parcours, avait été lancé en 2020. C’est justement dans le but d’améliorer le taux de couverture et susciter l’intérêt des médias pour les droits humains, qu’une soixantaine de journalistes (presse écrite, radio et télévision) avaient été formés sur les droits humains et sur les questions de déontologie en prélude à la mise en œuvre dudit projet. Près de vingt avocats travaillant en synergie avec ces professionnels des médias, leur avaient emboîté le pas. L’accès aux sources étant un véritable serpent de mer pour les médias camerounais, d’autres ateliers avaient été organisés impliquant la gendarmerie, les autorités administratives et les magistrats, à l’effet de réfléchir sur comment faciliter la tâche aux journalistes. Force est de constater que certaines de ces parties prenantes continuent de retenir l’information, compliquant la tache aux journalistes.   

D’où le plaidoyer de Jade à leur endroit : « Les solutions c’est tout simplement que ceux qui détiennent l’information sur les droits humains, puissent être accessibles aux journalistes. Si vous avez besoin de vérifier une information dans un commissariat, que vous ne puissiez plus avoir des difficultés à le faire que ce soit au commissariat, à la gendarmerie, bref que les autorités puissent être ouvertes aux journalistes. Parce que tant que vous ne pouvez pas avoir accès aux autorités administratives, aux autorités du maintien de l’ordre, vous ne pouvez pas bien traiter cette question et vous ne pouvez pas mieux informer le citoyen. Vous aurez du mal à faire un travail professionnel. »

Théodore Tchopa