Déviances au Carrefour de l’Auberge à Bafoussam. Rackets et violences au menu de la lutte contre l’insécurité

Déviances au Carrefour de l’Auberge à Bafoussam. Rackets et violences au menu de la lutte contre l’insécurité

Les échanges de coups de poings entre hommes en tenue et civils se sont enchaînés. Des boîtes de gaz lacrymogène éjectées pour disperser des clients suspects d’être des malfaiteurs. Le Commandant de la légion de gendarmerie de l’Ouest investit toutes les niches qui hébergent les bandits.

Le samedi 24 septembre 2022 dans la soirée, « Boka », un « bar dancing club », au Carrefour de l’Auberge à Bafoussam, a été le théâtre d’une scène de violences. En patrouille dans ce coin réputé être un refuge pour les bandits de grands chemins et les fumeurs de drogues, les éléments des groupements territoriaux de gendarmerie de la Mifi sont entrés dans le bar-dancing dirigé par M. Sikat (nom d’emprunt). Ils ont intimé l’ordre à tous les clients de présenter leur carte nationale d’identité et de sortir. Les gendarmes avaient été renseignés par une source infiltrée au carrefour de l’Auberge qui leur avait signalé la présence d’un groupe de malfrats au lieu dit Boka. Certains occupants ont obtempéré en abandonnant leur commande de boisson pour sortir. Mais de nombreux autres ont résisté.

Une plainte contre les gendarmes pour tentative d’assassinat…

Les pourparlers engagés avec M. Sikati, un proche du patron des lieux, n’ont pas abouti. Il se pourrait que le montant d’argent proposé par le tenancier du débit de boisson aux gendarmes pour leur demander de laisser se poursuivre les activités de vente de bières était insuffisant. La tension est montée entre les deux parties. Les gendarmes sont ainsi soupçonnés d’avoir transformé leur mission de lutte contre l’insécurité en opération de racket. Les hostilités verbales et physiques ont été violentes. Les échanges de coups de poings entre hommes en tenue et civils se sont enchaînés. Débordés, les gendarmes ont lancé des grenades lacrymogènes pour faire sortir tous les clients et employés du bar.

« Ils se sont tenus dehors…Ils ont décapsulé des boites de grenades lacrymogènes et les ont balancées dans le bar. Cela a provoqué la panique et un remue-ménage. Les gens fuyaient dans tous les sens », affirme un témoin. Conséquences, des blessures chez certains usagers, des appareils musicaux, des chaises et des tables cassés. Me Edouard Antony Paho, au nom de Charles Ngondiep, propriétaire du lieu d’ambiance, a, en date du 18 octobre 2022, porté plainte chez le commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire de Bafoussam pour «tentative d’assassinat, destruction de biens et autres ». Le Secrétaire d’Etat à la défense (Sed) chargé de la gendarmerie nationale, Galax Etoga, a été saisi par l’avocat commis par le patron de Boka. Le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, a été aussi sollicité à ce sujet.

Ce déploiement violent des gendarmes n’est pas du goût de M. Mama, coordonnateur adjoint du Centre pour la promotion du droit (Ceprod) à l’Ouest. Selon cette organisation de la société civile, l’Etat du Cameroun ne semble pas suffisamment intégré que la Charte de l’Onu exige que les lois ou actes étatiques qui portent atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne respectent les principes de justice fondamentale. Car cette démarche des hommes en tenue, assez récurrentes dans les milieux ambiants comme à la rue de la joie de Deïdo à Douala et dans les autres villes du Cameroun, est contraire aux exigences du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article 9 du texte onusien édicte : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne….. »

Une odeur de corruption pour opérer en toute impunité

Au-delà du respect de ce texte, il est question, selon les militants pour la défense des droits humains, de sensibiliser les gendarmes, les policiers et les autorités administratives à l’impératif de probité morale lors des opérations de lutte contre l’insécurité. Une donne que semble déjà intégrer l’état major de la gendarmerie nationale dans la région de l’Ouest. Parce que, en date du 12 janvier dernier, sur l’instruction du Commandant de légion, des gendarmes transportés par des taxis se sont déployés à l’entrée de la quatrième rue du Carrefour de l’Auberge à Bafoussam. Ils ont encerclé une maison qui hébergeait des trafiquants de drogues et stupéfiants, réputés en concussion et en collusion avec des gendarmes et policiers qui habituellement font la patrouille dans les rues de ce lieu d’ambiance.

Une dizaine de présumés trafiquants et fumeurs de chanvre indien a été interpellée. Des motos sans pièces identifiant leurs propriétaires ont été saisies. Le propriétaire de la maison serait recherché.
Après leur audition, les personnes interpellées ont été déférées chez le procureur de la République près des tribunaux de Bafoussam puis mises en détention à la prison centrale de Bafoussam. Charles Ngondiep, patron de Boka, salue ce déploiement. Et apprécie la démarche du Commandant de la légion de gendarmerie de l’Ouest, James Mbang Minlo . Mais Pierre Kamwa, une figure connue dans ce carrefour, souligne que de nombreux et grands trafiquants de drogue opèrent encore en toute impunité.

Il souhaite que la gendarmerie et les autres forces de sécurité s’engagent à éradiquer le phénomène sans aucune complaisance. « Ce qui est difficile. Lorsque les grands dealers et trafiquants de drogue sont interpellés, ils sont relaxés juste après quelques jours. Et viennent nous narguer. Ils se comportent comme s’ils étaient en combine avec diverses autorités chargées de la sécurité et du maintien de l’ordre. On sent une forte odeur de corruption orchestrée par les trafiquants de drogue pour opérer en toute impunité. C’est ce qui est déplorable », conclut-il.

Guy Modeste DZUDIE(Jade)