Détention violente d’un avocat  à Bafoussam. Me André Marie Tassa défend un confrère torturé

Détention violente d’un avocat à Bafoussam. Me André Marie Tassa défend un confrère torturé

Une plainte a été introduite par la victime auprès du commissaire du gouvernement près du tribunal militaire de Bafoussam. La légion de gendarmerie de l’Ouest à Bafoussam a été chargée de mener des enquêtes préliminaires. Et on avance vers l’ouverture d’un procès.

« Je ferai tout ce qui est en mon possible pour que justice soit rendue dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Télla. C’est grâce à mon intervention près du procureur des tribunaux de Bafoussam que le confrère a été libéré au matin du lundi 30 mai dernier vers 10 heures. Je vais suivre cette affaire jusqu’au bout. Après sa sortie des cellules infectes de la compagnie de gendarmerie de Bafoussam Ier, Me Télla a été conduit dans une formation sanitaire de la place grâce à mon concours. Des soins lui ont été administrés. Ses blessures aux bras causées par des menottes ont été pansées. Les autres traumatismes se sont également calmés. Il est rentré chez lui à Douala. Suite à sa plainte, le commissaire du gouvernement a transmis l’affaire au niveau de la légion de gendarmerie de l’Ouest à Bafoussam. Un certificat médico-légal a été délivré par le médecin traitant.

Nous disons non à l’impunité suite aux bavures commises par des hommes en tenue. Nous allons suivre cette affaire jusqu’à ce que justice soit rendue. » Tel est l’engagement de  Me André Marie Tassa. En route pour  Yaoundé où il prendra part le 18 juin 2022 à l’Assemblée élective du barreau des avocats du Cameroun en qualité de candidat au conseil de l’ordre, ce juriste fait savoir que dès le lundi 21 juin prochain, il se mettra en mouvement afin que les auditions des gendarmes indexés comme les présumés auteurs des actes « inhumains et dégradants » contre    Me Jean Claude Télla, avocat interpellé « abusivement »  et torturé dans une cellule de la compagnie de Bafoussam Ier. Une plainte a été introduite par la victime en date du 1er juin dernier au tribunal militaire de Bafoussam pour, entre autres, abus de pouvoir et tortures.

Menotté et jeté en cellule

 «Dans la soirée du 29 mai 2022, alors que je me rendais chez ma consœur Me  Tchouandem, sieur NGUEGANG a fait irruption devant moi et a commencé à passer des appels téléphoniques et sur ce, des individus se prévalant être des gendarmes sont arrivés et ont voulu m’embarquer. J’ai demandé à ceux-ci de décliner leur identité et le fondement de mon interpellation. Sur ce, ils m’ont roué de coups de poing et déchiré mes vêtements, puis m’ont transporté à la compagnie de gendarmerie de Bafoussam, où un sous-lieutenant a enlevé les lambeaux d’habit qui restaient encore sur moi, m’a déchaussé et m’a jeté  dans une cellule. Aux environs de 20 heures, ce sous-lieutenant s’est introduit dans ma cellule en compagnie de deux autres gendarmes pour menotter mes mains dans le dos alors que j’implorais que l’on me donne  mon téléphone pour appeler afin d’avoir à manger et à boire.

Ils sont entrés avec des chaînes également pour attacher mes pieds. Mais l’un d’eux s’est opposé à ce que je  sois enchaîné », explique Me Jean Claude Télla. Et de poursuivre : « aux environs de 23 heures la gendarmette de garde est venue extraire mes deux autres compagnons de cellule, en me disant que c’est sur l’ordre du commandant de la compagnie. Juste après, alors que j’étais couché à même le sol, elle a versé deux seaux de 15 litres d’eau sur moi. Dans l’impossibilité de me lever avec les mains menottées au dos, j’ai passé la nuit couché dans cette eau souillée jusqu’à l’aube. »

Vers 10 heures le lendemain, alors qu’il réclamait toujours qu’on lui dise pourquoi il était dans cette cellule et qu’on lui  donne à manger et à boire, Maître Tassa  est arrivé. On lui dira vertement que son confrère ne peut sortir de la cellule. C’est alors qu’il s’est rendu au parquet de Bafoussam et immédiatement, il est descendu à ladite unité en compagnie d’autres confrères. Juste quelques minutes avant leur arrivée, le commandant avait extrait Me Télla de la cellule. Le Procureur de la République a sommé le commandant de débarrasser l’avocat prisonnier de ses menottes et de lui restituer ses effets. C’est alors qu’il a constaté la disparition de sa montre et la somme de 27.000 francs. Le plaignant fait savoir que c’est le commandant qui dirigeait cette opération à distance par téléphone et le sous-lieutenant  qui commandait les opérations sur le terrain.

 Cette version des faits est appuyée par Me André Marie Tassa qui tient au respect de l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose : « Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». Au-delà d’apporter une assistance morale  à son confrère en détresse, il  s’est déjà constitué pour sa défense. Il confirme les faits rapportés par le prisonnier : « Alerté je suis allé dans ladite unité de gendarmerie et je n’ai pas pu le rencontrer. Le planton qui détient les clés de la cellule n’était pas sur place. Je me suis rendu au Parquet pour voir le Procureur de la République qui, surpris, a appelé le Commandant de Compagnie et ensuite m’a demandé que nous nous rendions aussitôt dans cette unité. Étant à la gendarmerie il a ordonné que les vêtements de Me Tella son téléphone portable lui soit remis, que les menottes soient retirées et que je l’amène à l’Hôpital pour consultation. Nous étions là en compagnie de Me Léopold Kamegni », précise-t-il.

Un tribunal saisi pour statuer sur la légalité de la détention

A  en croire Me Tella, le procureur de la République près des tribunaux de Bafoussam est très remonté contre cette bavure et tient à ce que les responsabilités soient établies. Yvan Atangana, commandant de la compagnie de gendarmerie mis en cause se dit non responsable des dérapages commis par des éléments engagés pour l’interpellation et la détention de Me Jean Claude Télla. Manifestement, il n’existe aucun acte écrit indiquant « les instructions » qu’il aurait donné à ces éléments afin que Me Jean Claude Télla soit « abusivement interpellé et torturé ». Une seule évidence se dégage au niveau de cette unité de gendarmerie : l’existence d’une plainte contre Me Télla qui devrait la somme de 3 000.000 Fcfa (trois millions de francs Cfa) à une tierce personne.   Reste que Me André Marie Tassa entend faire appliquer  les sanctions prévues par les lois camerounaises aux personnes qui seront -après procès-   déclarées responsables de l’humiliation subie par Me Jean Claude Télla. L’article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en effet :

1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi.

2. Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.(…).

4. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5. Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation.

Guy Modeste DZUDIE (JADE)