Des avocats à la recherche de sept présumés séparatistes

Des avocats à la recherche de sept présumés séparatistes

Crise anglophone. Ces personnes sont proches de deux « généraux » séparatistes qui combattent dans les régions du Nord –Ouest et Sud-Ouest. 

Le Collectif d’avocats constitué pour la Défense d’Ayuk Tabe et plusieurs autres présumés séparatistes est à la recherche de sept personnes interpellées depuis la semaine dernière et conduites au service central des recherches judiciaires au secrétariat d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie. Ce Dimanche 20 février 2022, deux avocats du Collectif, Me Amungwa Tanyi  et Me Pekum Emmanuel Ndenkeh, sont allés s’enquérir du sort des sept présumés séparatistes. Malheureusement, les avocats n’ont pas pu rencontrer ces personnes.

Détenues dans le secret

Pour le collectif d’avocats, elles sont détenues en cachette et coupées de tout contact avec l’extérieur. « Nous savons que sept personnes interpellées dans le Sud-Ouest ont été conduites ici depuis quelques jours. Parmi ces personnes, il y a quatre hommes et trois femmes. Nous sommes venus pour rencontrer les responsables du Service central des recherches judiciaires pour avoir de leurs nouvelles. Mais nous n’avons pas pu rencontrer ces présumés séparatistes. Pour l’instant nous ne savons pas ce qu’on leur reproche. Mais nous avons appris qu’il s’agit des membres de la famille d’un général séparatiste qui combat dans le Sud-Ouest du Cameroun », explique Me Amungwa Tanyi, avocat au Barreau du Cameroun. Notre source affirme qu’une femme enceinte figure parmi les trois qui sont actuellement en détention dans les locaux du service central des recherches judiciaires. Le collectif d’avocats d’Ayuk Tabe et autres séparatistes entend poursuivre les démarches auprès des responsables du service central des recherches judiciaires pour obtenir les nouvelles de leurs potentiels clients. Depuis le 21 février dernier, un communiqué de presse du collectif d’avocats a été rendu public pour dénoncer cette arrestation « arbitraire et illégale ».

Violation  des droits humains

Me Amungwa Tanyi, affirme que les personnes détenues au secret sont des proches de deux généraux séparatistes qui combattent dans les régions en crise. Il s’agit du général No Pity. Ce général est accusé par les forces de défense d’être à l’origine de la mort de plusieurs forces de sécurité impliquées dans la lutte contre le mouvement de sécession.

Depuis plusieurs mois, les avocats se plaignent des mauvaises conditions de détention des présumés séparatistes dans les locaux du service central des recherches judiciaires au Sed et dans d’autres lieux de détention.  Ces pratiques ne garantissent pas un procès équitable, en permettant aux prévenus d’avoir accès à leurs avocats pour assurer leur défense et le respect de la dignité des personnes arrêtées. Une pratique qui viole les dispositions de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose : «  1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi ». La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 stipule dans son préambule que nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans le cas et selon les formes déterminées par la loi.

  En octobre dernier, trois détenus ont été déportés de la prison centrale de Kondengui  pour le service central des recherches judiciaires. Ces trois présumés séparatistes n’étaient pas en contact de leurs avocats ou des membres de leurs familles. C’est à la suite d’une manifestation organisée par les détenus de la prison centrale de Kondengui que les responsables de la prison ont été obligés de permettre aux avocats de rencontrer leurs clients. Jusqu’à ce jour, ces trois détenus restent « illégalement » détenus entre les mains de la gendarmerie alors qu’ils ont été placés en détention à la prison centrale par une ordonnance du commissaire du gouvernement.

Le 2 octobre 2021,  Antoinette Kongnso, l’ex compagne du général No Pity avait été interpellée par un militaire dans le Sud-Ouest alors qu’elle était enceinte de huit mois. Elle avait été écrouée à la prison centrale de Buéa. Elle a été libérée sous caution depuis le 15 décembre 2021.

Me Felix Agbor Balla est président du Centre pour les droits de l’homme et de la démocratie en Afrique (Chrda). Ce défenseur des droits de l’homme explique que depuis le déclenchement de la crise anglophone, les proches de certains « généraux » sont parfois victimes d’arrestations arbitraires et de traitements inhumains. « Etre membre de la famille d’un terroriste ne fait pas forcement de vous un terroriste. En plus ce n’est pas normal que ces personnes soient interpellées sans que leurs droits ne soient pas respectés. Nous attirons l’attention des autorités étatiques à promouvoir un état de droit », explique Felix Agbor Balla. Rendu ce  vendredi 26 février pour s’enquérir de l’état des sept présumés séparatistes, les gendarmes rencontrés nous ont expliqué qu’ils n’étaient pas informés de cette affaire, qu’ils étaient incapables de nous informer sur ce sujet.

Prince Nguimbous (Jade)