Crise anglophone. Inquiétude pour les 40 motards arrêtés en avril 2022

Crise anglophone. Inquiétude pour les 40 motards arrêtés en avril 2022

La plupart d’entre eux toujours recherchés par leurs familles.

Le 10 mars 2023, le  journal d’expression anglaise The Post a annoncé  la libération de cinq conducteurs de moto parmi les 40 interpellés en avril 2022. Ce mardi-là, des militaires camerounais avaient arrêté ces motards commerciaux de Bamenda. Ils faisaient partie d’un convoi accompagnant la dépouille d’un de leurs collègues qui aurait été tué par des militaires à Oku, une ville de la division Bui de la région du Nord-Ouest du Cameroun.

Ces conducteurs de moto avaient été interceptés  par des militaires. Ils avaient été ensuite  séparés en plusieurs groupes et transportés dans différents centres de détention. Le journal ajoute que sur leur page de médias sociaux Honneur et Fidélité Armée Camerounaise, les soldats avaient annoncé avoir arrêté 40 terroristes, affichant plus de 40 images des conducteurs de moto. Cela a été contredit par la plupart des gens qui ont vu les visages et les ont identifiés comme des motards commerciaux de Bamenda. Même le président des conducteurs de moto de cette ville, qui a pris la responsabilité de suivre l’affaire, a déclaré à plusieurs reprises que les personnes arrêtées étaient ses collègues et qu’aucun d’entre eux n’était un combattant séparatiste.   Détenus sans charges   Selon The Post,  le président des motards  a également confirmé que 5 des personnes arrêtées avaient été relâchées.

Les autres sont toujours détenues, sans charges. Parmi les libérés, figurait un conducteur de moto initialement présumé disparu. Ce n’est que jusqu’à sa libération qu’on a appris qu’il était détenu à Kumbo, à plusieurs kilomètres de là où il avait été arrêté. « On ne sait pas si d’autres personnes non recensées sont également détenues dans des sites de détention cachés ou éloignés », explique le président des conducteurs de moto contacté par nos confrères du journal The Post. Dans une déclaration sur l’affaire, Human Rights Watch fait savoir que « jusqu’à 17 des personnes détenues sont présumées avoir disparu de force, car on ne sait pas où elles se trouvent, mais elles ont été vues pour la dernière fois en détention militaire ». Ces disparitions mettent en difficulté économique plusieurs familles qui dépendaient des motards pour leur subsistance quotidienne. Toute tentative d’avoir une information auprès du ministère de la Défense sur la situation des conducteurs de moto encore en détention est restée sans suite.

Après présentation au tribunal militaire, 24 d’entre eux ont été détenus à la prison de Bamenda, 16 autres n’ont cependant pas été présentés dans une juridiction. Les responsables des droits de l’homme s’inquiètent de leur sort et exigent des clarifications sur les conditions de détention de ces 16 personnes. Une situation qui viole l’article 9  alinéa 3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose que : « 3. Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré.

La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement. Me Amungwa Tanyi, avocat au barreau du Cameroun affirme que depuis le déclenchement de la crise anglophone, de nombreux jeunes citoyens ont été interpellés sur la simple base de soupçons et certains sont encore détenus entre les mains de la justice sans preuve. L’avocat cite trois de ses clients arrêtés à Bamenda  depuis mars 2021 sans preuve et conduits au Secrétariat d’Etat à la Défense où ils ont été détenus pendant six mois avant leur transfert à la prison centrale de Yaoundé.
 
Selon l’avocat ces personnes sont actuellement détenues à la prison centrale de Yaoundé. « Parfois les gens sont interpellés et disparaissent sans que les familles ne soient informées. Le journaliste Samuel Wazizi a été arrêté et est mort entre les mains des soldats. Jusqu’à aujourd’hui personne n’a encore vu son corps », affirme Me Amungwa Tanyi. 

Prince Nguimbous (Jade)