Crise anglophone au Noso. Les arrestations arbitraires se multiplient à Bafoussam

Crise anglophone au Noso. Les arrestations arbitraires se multiplient à Bafoussam

Des déplacés internes d’expression anglaise ou des personnes soupçonnées d’être de mèche avec les sécessionnistes sont l’objet d’une traque quasi-permanente. Plus de cent personnes sont détenues dans les prisons de la région de l’Ouest, uniquement parce que suspectes d’être en lien avec des  séparatistes.

Ce  dimanche 1er janvier 2023, plusieurs  éléments de la gendarmerie nationale ont reçu de nouvelles épaulettes au cours d’une cérémonie présidée par Awa Fonka Augustine, gouverneur de la région de l’Ouest. Aux gendarmes montés en grade, il a été recommandé « de servir la patrie avec honneur et fidélité » afin de neutraliser les groupes qualifiés de « terroristes armés » par le gouvernement camerounais. Il s’agit notamment des forces séparatistes  amées qui opèrent dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, frontalières de celle de l’Ouest. Ce qui exige que le patron de cette unité administrative ne cesse d’appeler à la vigilance des hommes en tenue. Une attitude que déplorent les organisations de la société civile à l’instar de Mandela Center qui dénonce « l’excès de zèle » des forces armées camerounaises à l’endroit des présumés séparatistes.

Loin de l’influence des dénonciations portées par les organisations de défense des droits humains, le lundi 12 décembre 2022, un individu, sans aucune pièce d’identité et traînant avec lui un gros sac de voyage, a été interpellé devant l’hôpital de Bafoussam sis à Kouékong. Après avoir été molesté par un gendarme, il a été attaché avec des cordes et jeté dans la cellule du poste de gendarmerie de Kouekong. Le gendarme, avec qui nous avons discuté et qui a requis l’anonymat,  soupçonne l’infortuné d’être un sécessionniste en mission de repérage pour un éventuel sabotage de l’hôpital de Bafoussam.

«Il était dans la cour de l’hôpital depuis des heures. Le vigile l’a interpellé plusieurs fois pour demander qu’il parte, il n’a pas réagi. Lorsque je suis arrivé, il m’a signalé la présence de cet individu suspect. J’ai procédé pacifiquement en lui demandant de partir, il n’a donné aucune réponse. Je me suis mis à le pousser. Il a résisté. Il y a une violente altercation physique entre lui et moi. Il a voulu arraché mon pistolet automatique. Je l’ai neutralisé. Il a l’air d’être une personne entraînée pour des combats physiques et des actions terroristes. J’ai transmis son cas au tribunal militaire», explique le gendarme.

Plus  de cent personnes embastillées

 Quelques jours avant, lemême gendarme fait savoir que lui et son camarade, en patrouille pour traquer les fumeurs de chanvre indien au quartier Kouogouo à Bafoussam, sont tombés sur quatre jeunes gens d’expression anglaise, des déplacés internes. Le simple fait que ces personnes ont paniqué à la vue des gendarmes a provoquéleur poursuite jusque dans leurs chambres. Elles ont été interpellées et conduites au groupement territorial de la gendarmerie de Bafoussam.  Ce qui pour Jean Claude Fogno, directeur exécutif de Mandela Center constitue un « abus ».

Il estime qu’il y a plus de 100 personnes embastillées dans les huit prisons de la région de l’Ouest parce qu’elles sont soupçonnées d’être proches des différents groupes séparatistes armés ou non. Selon ce militant de la société civile, l’Etat du Cameroun à travers ses agents et ses officiers de police judiciaire ne respecte pas le  principe de la présomption d’innocence contenu dans son code de procédure pénale et dans les instruments juridiques internationaux. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été violé en l’espèce. Parce que son article  9 énonce : «Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou détention arbitraire.2-Tout individu arrêté sera informé au moment de son arrestation des raisons de cette arrestation et recevra notification…… »

Guy Modeste DZUDIE(Jade)