Condamnation des militants Mrc. Cinq ans de prison pour ceux qui ont défié les policiers

Condamnation des militants Mrc. Cinq ans de prison pour ceux qui ont défié les policiers

Le magistrat colonel Mem Michel, président du tribunal militaire de Douala, qui a prononcé les sanctions contre certains militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), donne les raisons juridiques qui ont amené le tribunal à prononcer des peines de 5 ans de prison à certains militants.

D’un air très détendu, le colonel Mem Michel, président du tribunal militaire de Douala, nous a accordé un entretien mardi 14 décembre 2021. Il s’est expliqué au sujet de la polémique qui s’est rapidement répandue après la condamnation des militants Mrc à des peines allant jusqu’à 5 ans de prison.

« Comme juge, j’ai moi-même prononcé des sanctions contre certains militants du Mrc. J’en ai aussi libéré d’autres. Les avocats de ce parti ont raconté partout que le tribunal a prononcé des sanctions à la pelle, sans aucune base juridique. C’est faux. Nous avons travaillé uniquement sur la base de la loi », explique le président du tribunal.

Il mentionne tout d’abord que les militants Mrc étaient poursuivis pour des infractions qui constituent des crimes et des délits. « L’attroupement et réunion publique sont des délits qui peuvent être punis de peines allant de 3 mois à 2 ans de prison. Par contre, l’insurrection et la révolution sont des crimes. L’insurrection est condamnable de 10 à 20 ans d’emprisonnement, tandis que la révolution c’est la condamnation à vie. Donc, vous comprenez que s’il fallait vraiment appliquer la loi contre ces militants, ils pourraient être très durement sanctionnés », précise le colonel.

Il mentionne également que compte tenu de circonstances atténuantes, les militants poursuivis pour révolution ont pris des sanctions allant jusqu’à 5 ans de prison. Ceux poursuivis pour insurrection ont écopé, en tenant compte aussi de circonstances atténuantes, de sanctions allant jusqu’à 1 an de prison.

Cas des militants condamnés à 5 ans de prison

« Ceux qui ont été condamnés à 5 ans de prison sont ceux qui se sont affichés de façon notoire le jour de leur arrestation par la police. C’est-à-dire, ceux, qui malgré l’interdiction de la marche par la police, se sont montrés téméraires, ont défié les forces de l’ordre pour faire la force et poursuivre la marche. Ce sont ceux-là qui ont été lourdement sanctionnés. Car lorsque la police est arrivée pour disperser la marche, d’autres militants ont fui pour aller se cacher dans les quartiers, mais les plus téméraires sont restés sur place pour affronter la police. La justice les a donc sévèrement sanctionnés », poursuit le colonel Mem Michel.

 Par ailleurs, les procès-verbaux produits lors de l’enquête préliminaire ont permis au juge d’identifier les militants qui ont défié les forces de l’ordre. « Lorsqu’ils ont été arrêtés, ils ont fait des déclarations à chaud. Et tout cela est mentionné dans le procès-verbal d’audition au niveau de l’enquête préliminaire. Ces militants ont lu ces procès-verbaux et les ont signés, pour dire qu’ils sont responsables de ce qui est écrit. A travers ces procès-verbaux, le juge a facilement repéré les plus téméraires qui ont écopé de 5 ans de prison, alors que d’autres, qui étaient arrêtés dans les mêmes lieux, et au même moment, ont écopé de peines de prison inférieures », explique encore le président du tribunal militaire.  

Il indique aussi que d’autres militants ont été libérés, parce que le juge a étudié le procès-verbal d’audition, et a constaté qu’ils sont innocents. Pour lui, le tribunal n’a pas été « sans pitié », comme l’affirment les cadres du Mrc.

Le retrait des avocats Mrc des procès n’a rien changé

« Concernant les poursuites pour crime comme la révolution ou l’insurrection, le tribunal militaire en cas de désistement de l’avocat du prévenu, met d’office à sa disposition un avocat. Donc, lorsque les avocats Mrc ont écrit au tribunal pour dire qu’ils ne se présentaient plus aux audiences, parce qu’ils connaissaient déjà l’issue du procès, le commissaire du gouvernement leur a préparé une réponse écrite qu’ils n’ont pas eu le temps de prendre. Ils se sont retirés directement. Nous au niveau du tribunal, nous avons commis de nouveaux avocats aux militants. Si le militant refuse de venir à l’audience, la loi demande que le juge du tribunal militaire prenne en compte les déclarations de ce dernier lors de l’enquête préliminaire. C’est l’article 308 du code pénal, « lorsque le prévenu refuse de comparaître, on peut se référer aux allégations retenues à l’enquête préliminaire ». Et c’est ce qui s’est passé » affirme le colonel.

Au sujet des conventions de la communauté internationale

Pour le colonel, tout ce que la communauté internationale demande c’est que les droits de la défense soient sauvegardés, qu’il y ait un procès équitable et que ceux qui sont poursuivis soient écoutés. Ce n’est pas la communauté internationale qui vient déterminer le système judiciaire d’un pays. Ensuite, le tribunal militaire dit la loi, et c’est le conseil constitutionnel qui est chargé de l’examen des lois. « Est-ce qu’elles sont bonnes ? Est ce qu’elles ne sont pas bonnes ? Nous sommes là pour appliquer.  Si le prévenu n’est pas satisfait, qu’il fasse appel au conseil constitutionnel ».

Les avocats du Mrc pas d’accord avec le président du tribunal

Les avocats Emmanuel Simh et Fabien Kengne, ainsi que la direction du parti ont un avis contraire à celui du colonel Mem Michel. Pour eux, il s’agit d’une « incohérence judiciaire ». Ils continuent d’affirmer que les militants ont été durement sanctionnés pour empêcher  d’autres citoyens d’organiser des marches pour exprimer leurs opinions. Pour eux, c’est une violation de la liberté d’expression, en violation des conventions internationales comme la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Hugo Tatchuam (Jade)