Commissariat de Bonassama. Un mineur interpellé et détenu à la place de son père

Commissariat de Bonassama. Un mineur interpellé et détenu à la place de son père

Le jeune déplacé interne Ntamack Miguel, âgé de 17 ans, a été arrêté le 22 Août à Bonaberi par le commissaire de police Djessi Koum et jeté dans une cellule du commissariat central numéro 3 en lieu et place de son père introuvable et recherché par une plainte pour « filouterie de loyer ». Une dérive fortement dénoncée par le barreau du Cameroun qui rappelle que « la responsabilité pénale est individuelle et non familiale». Une plainte est déposée contre le commissaire de police.

Le 22 Aout, le jeune Miguel Ntamack, déplacé interne qui vient de réussir son examen de certificat général d’éducation, niveau ordinaire (GCE Ordinary (O) Level),  reçoit un coup de fil d’une jeune dame lui demandant de se présenter au super marché « Santa Lucia » du quartier Bonaberi pour réceptionner un cadeau suite à sa réussite.

Il court sur les lieux, loin de se douter qu’il s’agit d’un guet-apens tendu par les éléments du commissariat central numéro 3 de Bonassama. Arrivé sur les lieux, il est arrêté par ces éléments de la police et jeté en cellule sans aucune explication. Il va y passer deux nuits.

Thomas R., l’un des oncles de ce mineur, va se présenter au poste de police après avoir reçu un coup de fil d’alerte. Il demande des explications sur l’arrestation de son neveu. Le commissaire Djessi Koum qui a mené l’opération va lui répondre qu’il agit sous les ordres du procureur de la république, que le jeune Miguel est détenu parce qu’il y a une plainte contre son père  Jean Mboumo, et ce dernier est introuvable. « Son fils est arrêté pour le remplacer », affirme le commissaire de police.

Surpris par cette déclaration, Thomas va se rentre au tribunal de première instance de Bonaberi, situé juste en face du commissariat, pour rencontrer le procureur en personne, afin de savoir pourquoi il a ordonné qu’on garde son neveu en cellule.

Reçu par le procureur général, il va expliquer les faits. Le procureur surpris va dire qu’il n’a jamais donné l’ordre qu’on garde le mineur à la place de son père dans une cellule. Il va demander qu’on fasse venir le commissaire Djessi dans son bureau.

A l’arrivée du commissaire Djessi Koum, le procureur va lui demander devant Thomas, « Est-ce moi qui ai donné l’ordre de garder un mineur en détention ? » Le commissaire lui répond : « Non, mon procureur !». Le procureur, furieux, va demander d’aller immédiatement libérer le jeune Miguel.

Avec beaucoup de honte, le commissaire Djessi va retourner à son bureau, en compagnie de Thomas, mais va refuser de libérer immédiatement Miguel. Il va laisser le jeune homme passer une nouvelle nuit dans sa cellule. C’est seulement le 24 Aout, à 17h, suite aux nombreux appels de plaintes et menaces que Miguel sera sorti de cellule.  

Une histoire cousue de toute pièce 

Rencontré dans son bureau ce jeudi 1e Septembre, le commissaire Djessi Koum affirme qu’il a reçu une plainte de Mme Ndedi Ekandjoum propriétaire d’une maison qu’elle avait donnée en location à Jean Mboumo.  Mais que ce dernier avait passé plus de sept mois sans payer le loyer. Une dette de  1 668 000 fcfa (un million six cent soixante-huit  mille  fcfa).  Malgré la délivrance de plusieurs convocations, Mboumo a refusé de se présenter au commissariat, et il a donc été décidé de le rechercher par la force. Etant introuvable, le commissaire a arrêté son fils pour contraindre la famille de Mboumo à  payer  la bailleresse.

Une version des faits totalement contredite par Jean Mboumo lui-même. « J’ai passé  neuf ans comme locataire chez cette dame. Depuis deux ans, avec le covid 19, mes activités de livraison ne marchaient plus. J’ai commencé à cumuler les loyers, mais je rattrapais les payements à chaque fois. En novembre 2021, la bailleresse, Ndedi Ekandjoum est venue par voix d’huissier me servir une sommation me demandant de payer les mois impayés, ou de libérer la maison. J’ai choisi la deuxième option, libérer la maison. Au mois de Mai 2022, lorsque j’ai fait venir un camion pour porter mes effets et libérer la maison, la bailleresse a mobilisé les jeunes délinquants du quartier, ils ont déchargé tous mes effets, qu’elle a gardé dans un coin de sa cour, indiquant que je vais les récupérer lorsque je vais lui donner tout son argent. Sa maison étant vide, je lui ai remis les clefs,  elle a refusé de prendre. J’ai déposé ces clefs à l’entrée de son domicile », explique Jean Mboumo.

Il poursuit en précisant qu’il n’a jamais reçu de convocation pour un problème de loyer. Et qu’il avait épongé l’ensemble des mois impayés, mais la bailleresse a refusé de lui délivrer un reçu, et raconte partout qu’il est parti avec les clefs de sa maison pour l’empêcher de mettre un nouveau locataire. ».

Une plainte déposée contre le commissaire

Jean Mboumo affirme que lors de l’arrestation de son fils, il s’était déplacé dans son village pour une cérémonie. « Je n’étais pas en fuite. Pour preuve, me voici », précise-t-il.

Il a déposé une plainte à la délégation régionale de la police judiciaire du Littoral contre le commissaire Djessi  le 22 Août pour « séquestration d’un mineur ». 

Suite à cette plainte, le commissaire central du commissariat numero 3  Aristide Ndo Martial a demandé au commissaire Djessi qui est enquêteur dans cette affaire, de réunir toutes les parties impliquées dans ce problème pour trouver un terrain d’entente. La bailleresse, Thomas, qui est le porte-parole du locataire et les autres membres de la famille se sont rencontrés ce jeudi 1E Septembre à 17h au commissariat de Bonassama pour chercher une issue à l’amiable.

Le procureur général près du tribunal de première instance de Bonaberi, Owona Eli, que nous avons rencontré aussi ce jeudi 1e Septembre,  affirme que l’acte posé par le commissaire Djessi est contraire à la loi, et c’est pour cette raison qu’il a interpellé le commissaire dans son bureau pour qu’il se prononce devant la famille du mineur. Il indique que la plainte pourrait aboutir à une sanction administrative, vu qu’elle sera traitée à la délégation régionale de la police judiciaire du Littoral par ses supérieurs hiérarchiques.

Me Minou Sterling avocat au barreau du Cameroun qui défend le locataire Mboumo affirme que la responsabilité pénale est individuelle et non familiale. On n’a pas à profiter du statut de déplacé interne du jeune Miguel pour poser contre lui  des actes de discrimination contraires à la loi.

Des actes qui violent l’article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politique qui indique que « nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi ».

Hugo Tatchuam (Jade)