Atanga Nji prescrit des sanctions contre Equinoxe Tv

Atanga Nji prescrit des sanctions contre Equinoxe Tv

Dérives. A la demande du ministre de l’Administration territoriale, le patron de cette chaîne est à nouveau convoqué au Conseil national de la communication, ainsi que l’un de ses collaborateurs, le journaliste Serge Alain Ottou.​

Séverin Tchounkeu et son collaborateur Serge Alain Ottou, présentateur de l’émission de grande audience « Equinoxe soir », doivent comparaître devant l’instance de régulation du secteur médiatique camerounais le 14 novembre prochain. Ils doivent s’expliquer au sujet d’une déclaration tenue par l’avocat Engelbert Lebon Datchoua, lors de l’émission de Prime Time « Equinoxe soir » du 03 novembre 2022. Le principal sujet débattu par les panélistes au cours de ladite émission portait sur les 40 ans de l’accession au pouvoir du président de l’actuel République, Paul Biya.

D’après les informations contenues dans la première correspondance signée par Paul Atanga Nji le 11 novembre et adressée au gouverneur de la région du Littoral, d’où émet Equinoxe télévision, Engelbert Lebon Datchoua a tenu des​ « Propos injurieux et diffamatoires à l’endroit du Chef de l’Etat et des institutions de la République ». C’est d’ailleurs l’objet de cette première lettre signée du ministre à l’attention du gouverneur de la Région du Littoral, Samuel Ivaha Diboua. L’avocat indexé, qui est un habitué des plateaux d’Equinoxe Télévision, aurait, selon le ministre Atanga Nji, déclaré que « Monsieur Biya est l’une des malchances que le Cameroun ait connues ». Des propos que le membre du gouvernement qualifie d’injurieux et de diffamatoires.

Dans une autre correspondance signée toujours ce 11 novembre 2022 et destinée au gouverneur du Littoral, Atanga Nji s’indigne du fait que des médias installées dans cette région « ​ diffusent des émissions au cours desquelles les panélistes s’illustrent par des injures à l’endroit du Chef de l’Etat, les institutions de la République et les membres du gouvernement en incitant au passage à la révolte populaire, toutes choses punies par les articles 153 et 154 du code pénal​ ». Il prescrit à son collaborateur de prendre des mesures pour faire respecter les règles de déontologie par les organes de communication et les professionnels des médias, en initiant, le cas échéant, les procédures appropriées à travers notamment la saisine du Conseil national de la Communication et l’ouverture des enquêtes administratives. ​

Le ministre demande au gouverneur​ : « 1) de saisir le Conseil national de la Communication, organe de régulation du secteur des médias, en vue de procéder aux investigations​ d’usage et de prononcer, le cas échéant, des sanctions appropriées à l’encontre des professionnels des médias concernés; 2) de faire procéder à l’audition de Engelbert Lebon Datchoua et Serge Alain Ottou dans le cadre d’une enquête administrative à la diligence du préfet du département du Wouri ; 3) d’inviter le promoteur de cet organe de communication audiovisuelle à suspendre Albert Lebon Datchoua de toute participation aux émissions sur cette chaîne de télévision en attendant l’aboutissement des enquêtes qui doivent être diligentées sous votre supervision ; 4) d’inviter ledit promoteur à un meilleur encadrement de ses panélistes, afin d’éviter de telles dérives intolérables​».​

Le droit à l’expression violé

Au total, ce sont quatre injonctions dont la tonalité indique clairement que le Minat a d’ores et déjà pris en amont des sanctions qu’il impose au CNC, l’organe en charge de la régulation, et qui est d’ailleurs en copie de la correspondance ministérielle. Or, ces agissements du ministre de l’Administration territoriale relèvent des abus et violent l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui, en ses alinéas 1 et 2, indique​ : « ​ Toute personne a droit à l’information​ ; ​ toute personne a le droit de s’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements​ ».

L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques souligne pour sa part que « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions​ ». « ​ Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. 3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires​ », explique le Pacte.

Journalistes sereins

Par ailleurs, la Commission africaine demande de tolérer l’injure et la diffamation quand il s’agit des personnages publics. La déclaration de Munich de 1971 définit les devoirs et les droits des journalistes. Elle proscrit toute forme de pression pouvant nuire à l’exercice de la profession. Selon Edmond Kamguia, éditorialiste au Groupe La Nouvelle Expression et un des panélistes des émissions de débat à Equinoxe Télévision, les journalistes de ce groupe de media demeurent sereins. « Nous restons fermes dans notre ligne éditoriale, car nous sommes des journalistes professionnels, nous avons toujours respecté les règles professionnelles, l’éthique et la déontologie de notre métier. » Une source au ministère de l’Administration territoriale à qui nous avons écrit, mardi, nous a répondu : « Vous voulez une réaction officielle autre que celle-ci ? » Elle faisait alors allusion aux deux courriers du ministre Atanga Nji que nous avons cités plus haut.

Théodore Tchopa (Jade)