Assassinat de Martinez Zogo. Les journalistes  de l’Ouest se mettent en habits de deuil

Assassinat de Martinez Zogo. Les journalistes de l’Ouest se mettent en habits de deuil

Ce mercredi 25 janvier 2023 à l’esplanade de l’UCCAO (l’Union centrale des coopératives agricoles de l’Ouest) à Bafoussam, ils étaient tous vêtus de noir pour rendre hommage à Martinez Zogo et dénoncer son assassinat odieux et les menaces qui pèsent sur les hommes et femmes des médias.

La découverte du corps sans vie et en état de décomposition avancée du journaliste Martinez Zogo ce dimanche 22 janvier 2023, enlevé dans la soirée du 17 janvier, a suscité une vague d’émotion et d’indignation sur le plan national et international. Le syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) a, à cet effet, signé un communiqué dans lequel il exprime sa consternation, appelant les hommes et femmes des médias à se vêtir de noir le 25 janvier pour rendre hommage au journaliste, chef de chaîne de Amplitude FM. Répondant à cet appel, de nombreux journalistes de la région de l’Ouest se sont rendus à l’esplanade du siège de l’UCCAO à Bafoussam, pour des moments de recueillement et de compassion en guise d’hommage au confrère disparu. En plus, pour marquer leur indignation générale, ils étaient porteurs de messages qui clamaient aux autorités compétentes : « Non à l’assassinat des journalistes », « Les journalistes ne sont pas vos bourreaux », « Justice pour Wazizi, Zogo et les autres… ».

Graves menaces sur les journalistes

L’assassinat brutal du célèbre animateur de l’émission « Embouteillages » de la chaîne locale de Yaoundé, souligne les graves menaces auxquelles sont exposés les journalistes au Cameroun. Ceci en totale violation de l’article 19 du Pacte international des droits civiques et politiques dont le Cameroun est signataire, qui stipule dans ses alinéas 1 et 2 que : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de chercher, de recevoir et de rependre des informations et des idées de toute espèce sans considération des frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». Réné Mbondjeu, président régional du Snjc, en dénonçant ce crime crapuleux et en appelant le gouvernement camerounais à ouvrir une enquête véritable sur cet assassinat et à traduire les coupables en justice, a fait état de ce que la région de l’Ouest n’échappait pas aux menaces qui pèsent sur les journalistes.

« Je voudrais vous dire qu’à Bafoussam nous ne sommes pas épargnés. Il y a quelques jours, le Directeur de publication d’Action Direct a aussi été agressé par des gens dans l’entrée de son domicile aux environs de 19h ; nous avons également Serge Jérôme Tojom, Directeur de publication de Binam News, qui est victime de harcèlement. Nous pensons qu’il est donc urgent que les journalistes soient protégés », a-t-il déclaré. Léopold Nguelo, Coordonnateur du Club Média Ouest, a dans la foulée estimé que contrairement à ce que fait croire le gouvernement en vantant son dynamisme démocratique, la liberté d’expression et d’opinion au Cameroun, n’est pas effective. « C’est vrai que les autorités nous projettent un sentiment de défendre et de promouvoir la liberté d’expression, la liberté d’opinion, si l’on s’en tient aux textes en vigueur et aux déclarations du chef de l’Etat.

Mais faut-il encore se demander si la mise en application est réelle ? Aujourd’hui Martinez Zogo a été arraché à la vie, nous sommes convaincus, qu’il l’a été parce qu’il a communiqué ; qu’il l’a été parce qu’il a dénoncé ; qu’il l’a été parce qu’il a porté à l’attention de l’opinion nationale des magouilles, des cas de détournements des bien publics. Cela n’aurait pas plu à certaines personnes qui ont donc décidé de l’humilier, de le torturer et de lui arracher la vie. La liberté d’opinion, la liberté de presse est une quête permanente », a-t-il déclaré.

La protection des journalistes est-elle désormais une urgence ?

Martinez Zogo était connu pour ses chroniques dans lesquelles il s’attaquait à la corruption, aux abus de pouvoir n’hésitant pas à mettre en cause nommément certaines personnalités. C’est pourquoi pour Michel Eclador Pekoua, Directeur de publication du journal Ouest Echos, il faut situer ce crime dans le contexte sociopolitique dans lequel on se trouve. « Les journalistes ont toujours été victimes des harcèlements policiers, des harcèlements judiciaires. Beaucoup d’entre nous sont passés en prison parce qu’on faisait ce métier. J’ai été à la prison de Bafoussam du fait de l’intolérance de certains qui avaient été cités dans les articles de presse. Mais là où nous sommes aujourd’hui m’interpelle davantage, parce qu’il ne faut pas sortir cette tragédie du contexte sociopolitique dans lequel nous nous trouvons, où beaucoup parlent d’une alternance qui se joue véritablement avec « la nuit des longs couteaux » qui se prépare.

Quand on voit ce qui est arrivé à Martinez Zogo et surtout l’exposition qu’on fait de sa dépouille, il faut comprendre que c’est aussi une espèce de psychose qu’on veut installer dans la tête des journalistes parce que ce n’est pas la première fois, quand on regarde la vie sociopolitique du Cameroun que des personnes disparaissent, sont enlevées et assassinées et malheureusement on n’en parle pas beaucoup parce que les corps sont parfois cachés et enterrés dans des tombes sans sépultures », s’inquiète-t-il. Même inquiétude du côté de Flore Kamga, responsable régional de My Media Prime et dp du journal en ligne Relais 237, qui pense que ce crime est comme une menace de plus pour les journalistes. « C’est une monstruosité sans nulle autre pareille. Loin de la liberté d’expression, c’est comme si ces sauvages cherchent à nous prouver qu’ils tiennent nos vies dans leurs pommes de mains. Et en face on est tenté de croire que nos dirigeants sont impuissants, ce qui accentuerait la terreur si rien n’est fait pour prouver que nous sommes non seulement dans un Etat de droit, mais que nous pouvons compter sur lui pour nous protéger », a-t-elle ajouté.

La société civile s’associe aux cris des journalistes

Dans la région de l’Ouest, la société civile s’est aussi associée aux cris des journalistes en appelant le gouvernement à rendre justice.  Le Rév. Dr Jean Blaise Kenmogne, Directeur général du CIPCRE (Cercle International pour la Promotion de la Création), dans son communiqué, souhaite « vivement que les commanditaires et leurs comparses soient débusqués et que justice soit faite. Sans retard et sans précipitation. Sans rancune et sans complaisance. Avec le serment de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ». Pour sa part, Charlie Tchikanda, Directeur exécutif de la LDL (Ligue des droits et libertés),  « invite le gouvernement à prendre des mesures urgentes et appropriées pour préserver les acquis  issus de la lutte héroïque que le peuple camerounais a menée et continue de mener  pour la restauration et la promotion  de la liberté d’expression, de la démocratie  et des droits de l’homme  au Cameroun ».

Nacer Njoya (Jade)