Affrontements mortels entre Mousgoum et Arabe-Choas. La corruption de hauts fonctionnaires du Logone pointée du doigt

Affrontements mortels entre Mousgoum et Arabe-Choas. La corruption de hauts fonctionnaires du Logone pointée du doigt

Apres le nouveau conflit entre les deux tribus à Kousseri ayant entrainé une vingtaine de morts et poussé plus de 50 000 personnes à se déplacer vers le Tchad, les chefs traditionnels reviennent sur l’historique du mal : l’usage de l’eau et, depuis 1993, la corruption des autorités administratives qui ont toujours pris des pots de vins pour refuser d’appliquer les mesures de paix entre les deux peuples. Une dérive coupable qui viole les accords internationaux.

Le sénateur, Sultan de Logone Birni Mahouf Mahamat Bahar est dans tout ses états. Ce puissant chef traditionnel de premier degré kotoko est harcelé de toutes parts depuis la nouvelle attaque des Mousgoum sur les arabes Choas à kousseri au début du mois de Décembre. Les deux tribus s’affrontent dans son arrondissement. Selon lui, les sujets de division sont les mêmes depuis de nombreuses années. Mais les autorités administratives corrompues, ont toujours refusé de mettre en application les mesures de paix prises par les différentes parties depuis les années 1990.

Le premier conflit s’est déroulé en 1993.

Dans  les années 1980, les Mousgoum, peuples de pécheurs,  étaient basés à Maga, un arrondissement de la région de l’extrême-Nord situé dans le département du Mayo Danay, à proximité de la frontière avec le Tchad. Les Arabes-Choas quant à eux sont des éleveurs nomades qui se déplaçaient avec leurs bétails entre le Tchad, le Nigeria, le Cameroun. mais à cause de l’accroissement de leur population, de la sècheresse et du manque d’eau, les deux tribus ont migré dans l’arrondissement du Logone, où coule le fleuve Logone et ses affluents. Un territoire occupé par les kotoko.

Pour pécher beaucoup de poissons, dans les petits points d’eaux, appelés les « Mayo »,  les Mousgoum utilisaient une technique de pêche qui consiste à creuser le fond des rivières pour placer des pièges et attraper beaucoup de poissons. Or lorsque les bœufs des Arabes-Choas venaient s’abreuver, ils tombaient dans ces pièges et se noyaient.

En 1993, ce problème d’usage de l’eau a dégénéré en conflit entre les deux communautés qui se sont affrontées provocant la mort de nombreux protagonistes. Le Sultan du Logone-Birni ainsi que d’autres chefs de communautés et les autorités administratives ont organisé une réunion avec les différentes parties pour apporter une solution au problème. Parmi les nombreuses décisions prises, les autorités ont interdit aux Mousgoum de creuser les fonds de rivières lors de leurs opérations de pêches.

Les décisions non appliquées

Avec le changement climatique et les quantités d’eaux qui devenaient insuffisantes, plusieurs petits cours d’eaux ont été asséchés. Les Mousgoum ont alors  repris les vieilles habitudes, creuser à nouveau le fond des cours d’eaux restants.  

Perdant les bêtes par centaines, les Arabes-Choas sont allés régulièrement se plaindre chez le sous-préfet et le préfet du Logone et Chari. Mais ces derniers n. Mais ces derniers nont pas réagi. Pire : « Le sous-préfet s’est mis à prendre de l’argent chez les Mousgoum pour leur laisser faire leurs trous. Au fil des années, la situation s’est aggravée, et les Arabes-Choas ont décidé de ne plus se tourner vers les autorités locales, mais d’agir par eux-mêmes » explique une source qui a gardé l’anonymat.

En Novembre 2021, c’est-à-dire huit ans après,  les pécheurs Mousgoum, mécontents, ont attaqué les éleveurs Arabes-Choas dans l’arrondissement de Logone-Birni. Bilan : 32 morts et 74 blessés. Et en début décembre, les deux tribus se sont à nouveau affrontés à kousseri. Nouveau bilan : une vingtaine de morts et trente mille personnes déplacées au Tchad, et de milliers d’autres personnes forcées à fuir.

Les Mousgoum et Arabes-Choas du Logone se sont ainsi retrouvés en situation de « nouveaux réfugies qui ont besoin d’assistance internationale, et d’une urgence humanitaire », selon les termes de la correspondance du General Mahamat Idriss Deby Itno, le président du conseil militaire de transition du Tchad.    

L’Etat est le seul responsable de ce qui arrive

Plusieurs Ongs et associations de droits de l’homme basées dans la région de l’Extrême-Nord ont dénoncé le laxisme de l’Etat. « C’est l’Etat qui a laissé la situation pourrir ainsi. Tout d’abord, les autorités administratives corrompues depuis de nombreuses années ont montré à ces gens qu’ils  ne peuvent plus compter sur elles pour résoudre leurs problèmes. Ensuite, lorsque les premiers affrontements se sont déroulés, la justice n’a pas arrêtée ceux qui avaient utilisés les armes pour les juger et les condamner en appliquant la loi pour faire peur à ceux qui tenteraient à nouveau d’utiliser des armes.

Cette inertie de l’Etat a laissé croire aux deux parties qu’elles pouvaient acheter les armes et s’entretuer impunément. De trois, à kousseri, les Mousgoum ont traversé tout le Logone pour se retrouver là-bas afin de massacrer les Arabes Choas, pourtant il y a de nombreuses bases militaires à kousseri, il y a même une base du Bataillon d’intervention rapide (Bir) là-bas, mais personne n’a agi. Et enfin, dans les différents groupes whatsap des deux communautés, les Arabes-Choas indiquent que de nombreux militaires d’origine Mousgoum en civil ont pris part au massacre de kousseri. Et jusqu’ici, les meneurs n’ont pas été arrêtés pour être jugés et condamnés. Avec toutes ces faiblesses, nous pensons que ces conflits reprendront dans les prochaines années » affirment les ongs.

Ainsi, toutes les mesures prises par l’Etat depuis les attaques de kousseri ne vont pas résoudre le problème de fond. « On a une administration corrompu, on ne peut rien attendre d’elle » a expliqué un haut cadre d’administration kotoko. Pour lui l’Etat affiche une défaillance coupable.

Une attitude qui viole l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». et l’Etat est obligé d’assurer la sécurité de ses citoyens.

Hugo Tatchuam (Jade)